Erwan Baudimant, directeur commercial BASF Coatings, France, Afrique du Nord et Afrique de l’Ouest.

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« C’est le couple composé du fabricant de peinture et du distributeur qui doit apporter la solution au réparateur. Et c’est vrai sur tous les marchés, en Europe de l’Ouest, en Afrique du Nord ou de l’Ouest. »

En quelques mots, pourriez-vous vous présenter ?

Durant les 14 années passées au sein de la Division Coatings de BASF, les différents postes que j’ai occupés ont été riches d’enseignement et m’ont permis d’appréhender de manière globale le marché de la réparation carrosserie. Aujourd’hui j’assure la fonction de Directeur Commercial France, Afrique du Nord et de l’Ouest, incluant les pays africains francophones, et les expériences précédentes menées en France me permettent d’aborder les marchés d’Afrique du Nord et de l’Ouest avec une vision plus pragmatique, plus efficace. En effet les produits, services et technologies développées par nos deux marques sont tout aussi exploitables et opérationnelles en Afrique qu’en Europe.

N’avez-vous pas l’impression de faire un grand écart entre le marché français et celui de l’Afrique du Nord ?

L’écart est loin d’être aussi important qu’on pourrait le croire, parce que le marché d’Afrique du Nord évolue très rapidement et beaucoup plus vite que ce qu’a pu connaître celui d’Europe de l’Ouest. Nous retrouvons, finalement, non seulement les mêmes technologies mais aussi les mêmes besoins, parce que l’accidentologie se complexifie des deux côtés de la Méditerranée. Comme les marchés en Algérie et au Maroc s’avèrent très dynamiques et investissent beaucoup, les écarts sur l’utilisation des produits et sur les besoins en formation et en accompagnement sont beaucoup plus proches.

Adaptez-vous votre stratégie en fonction des pays et des différents marchés ou est-ce la même partout ?

Notre stratégie s’énonce simplement et est « identique » en ce sens qu’elle est basée sur la formation et l’accompagnement des acteurs des différents marchés. Contrairement à l’Europe qui a dû changer de technologie et passer brutalement des produits solvantés à l’hydrodiluable, avant le 31 décembre 2007, suite à un changement de législation, en Afrique du Nord, ce changement technologique n’est pas lié à un changement de législation, il est lié à une volonté des différents acteurs d’utiliser des produits plus respectueux de l’environnement, et plus respectueux des salariés. Dans la mesure où l’on met en place ces technologies de matière vertueuse, c’est-à-dire sans contraintes, s’exprime un réel besoin d’accompagnement, parce que c’est une vraie révolution en termes d’équipement, tout d’abord, parce que les principales carrosseries n’étaient pas vraiment adaptées, mais aussi en termes de connaissances des peintres et des réparateurs, ou encore de gestion des stocks. Ce cercle vertueux décidé par les acteurs professionnels entraîne un vrai besoin d’accompagnement de la part des fabricants de peinture. Un phénomène que l’on retrouve – à des vitesses forcément un peu différentes – dans tous les pays, sur l’ensemble des marchés.

Bien qu’il existe un marché de la carrosserie pour les véhicules très récents comme il en existe un pour des véhicules plus anciens, le marché est « tiré » par ces acteurs qui veulent investir et investissent dans les dernières technologies.

Est-ce que cela signifie que les Etats poussent cette évolution, ou bien est-ce le fruit de ces seuls acteurs ? 

Les Etats commencent à entrer dans cette démarche, comme l’a révélé l’organisation de la COP 22 par le Maroc, ou encore au travers de nombreux événements, qui tendent à montrer que les pays se tournent vers un développement plus responsable. Mais ce sont principalement les acteurs locaux qui souhaitent changer de technologies pour en adopter de plus modernes ; d’une certaine manière, c’est ce qui rend les marchés plus forts que ceux d’Europe de l’Ouest, où les pays ont attendu les obligations légales pour les mettre en place. En Afrique de l’Ouest et du Nord les acteurs se montrent bien plus pro-actifs !

Vous évoquez les besoins en accompagnement, quels types de formation proposez-vous aux professionnels, et allez-vous jusqu’à la productivité dans l’atelier carrosserie ? 

Que ce soit en Europe de l’Ouest ou en Afrique du Nord, nous ne pouvons pas, dans l’un comme dans l’autre cas, nous contenter de vendre des produits. Nous prenons des engagements forts de formation au niveau de l’atelier. Nous avons conçu, ainsi, des programmes de formation technique, composés de différents modules dédiés à la préparation des éléments, jusqu’à la finition, en passant par la couleur ou encore le « spot repair ». Nous sommes extrêmement présents, nous prenons des engagements forts vis à vis de nos clients et nous mettons les ressources nécessaires. Nous établissons également des plannings à l’année avec des certificats et des contenus très établis. Tout ceci entre dans nos engagements, mais nous allons beaucoup plus loin en proposant à nos clients des formations en management d’atelier, formations qui s’articulent autour de trois niveaux : à commencer par comment donner une culture peinture à des personnes qui sont issues de l’univers de la mécanique, car c’est bien souvent le cas. Une fois que ce premier niveau est atteint, que la culture de la peinture est actée, le deuxième niveau de formation consiste à déterminer quels sont les indicateurs de performance (productivité, marges… et quels sont les leviers à actionner). Quant au troisième niveau, il s’exprime aisément : « qu’est-ce que je mets en place pour augmenter ma productivité ? » Pour ce faire, nous organisons des groupes, avec les constructeurs, ou les distributeurs qui réunissent les professionnels.

Vous parlez de groupes, comment se dessine votre clientèle, vous adressez-vous aux constructeurs, aux maisons, aux grandes carrosseries ? 

Précisons déjà que le marché a évolué significativement en seulement trois ans. Lorsque j’ai pris en charge ce marché, la majeure partie de la clientèle était constituée, effectivement, des concessionnaires, de groupes des constructeurs établis qui investissaient beaucoup et qui s’inscrivaient dans une dynamique de changement d’équipements, d’investissements et notamment vers l’utilisation des produits hydrodiluables. Les carrosseries indépendantes n’étaient pas encore structurées pour atteindre ce niveau-là. Aujourd’hui, nous avons des carrosseries indépendantes, extrêmement bien équipées, prêtes à utiliser des produits hydro et demandeuses ! Ce qui signifie qu’en près peu de temps, nous nous sommes trouvés face à des carrosseries très structurées, et aussi bien équipées que les groupes constructeurs pour utiliser les produits hydro. Carrossiers indépendants et constructeurs constituent donc les deux cibles évidentes pour nos deux marques Glasurit et R-M. Il existe un marché sur lequel nous sommes bien moins représentés, le marché des revendeurs, qui alimentent les carrosseries utilisant encore des produits solvantés.

Vous restez sur du premium en tout état de cause…

Le terme de premium n’est pas forcément approprié, tant il peut suggérer une approche élitiste, à laquelle nous n’adhérons pas. Nous évoquions seulement le fait que face à un marché qui évolue, au secteur de la réparation qui évolue, aux produits qui évoluent, nous devons accompagner les carrossiers à se structurer pour intégrer ces mutations et répondre aux nouveaux besoins. Si je prends l’exemple de l’aluminium qui a été retenu par certains constructeurs, nous devons permettre au carrossier de pouvoir traiter cette matière nouvelle dans les pièces de carrosserie. Nous accompagnons, depuis des années, ces acteurs épris de changement – et ils sont de plus en plus nombreux – afin qu’ils puissent suivre les évolutions technologiques. Notre engagement ne consiste pas uniquement à vendre du produit, notre engagent consiste à vendre des solutions, et bien sûr des produits, de la formation, du conseil etc. Nous allons jusqu’à accompagner, en tant que consultant, le professionnel dans la création de son atelier, dans son organisation, dans la mise en place d’équipements : cela fait partie de notre rôle, de notre compétence. Le professionnel décide alors ce qui lui paraît le plus adapté, mais nous avons exercé notre fonction d’accompagnement dès le début.

L’âge moyen des parcs en Algérie et au Maroc est élevé, est-ce que cela ne vous cantonne pas dans une petite part du marché ?

Les marchés sont assez différents entre les pays, mais si nous nous attachons au Maroc par exemple, le parc comprend de plus en plus de modèles récents, se modernise et a donc besoin des produits et des solutions que nous proposons. Par ailleurs, les constructeurs ont besoin d’être accompagnés pour traiter les nouveaux modèles. Notre marché est un marché d’avenir, est-ce qu’il est majoritaire je ne sais pas, mais il est en progression constante et continuera de croître parce que les marchés vont continuer à se structurer.

Comment est structurée votre distribution, vous appuyez-vous sur des distributeurs spécialisés, généralistes, comment les soutenez-vous ?

Le rôle du distributeur est extrêmement important, ne serait-ce que par le fait que c’est lui qui est en contact direct avec le client, c’est lui qui gère la relation au quotidien. Sa première mission consiste à ne pas avoir de rupture d’approvisionnement, parce qu’un client à qui l’on n’est pas capable de livrer un produit à temps, est un client qui perd de la marge, du business, de la productivité. Assurer cette disponibilité est déjà un métier en soi : être capable de stocker, d’avoir les bons produits, être capable de livrer dans les délais… Vient ensuite l’accompagnement. Chaque distributeur BASF reçoit tous les ans une formation sur les nouveaux produits, les nouvelles techniques, ils doivent être à la pointe de la formation et des connaissances. Ils viennent régulièrement en France, et reçoivent aussi du soutien par les équipes en place, dans les pays, qui organisent des sessions de formation chez les différents constructeurs pour les accompagner sur les dernières innovations – nous disposons, bien sûr, des homologations constructeurs. C’est le couple composé du fabricant de peinture et du distributeur qui doit apporter la solution au réparateur. Et c’est vrai sur tous les marchés, en Europe de l’Ouest, en Afrique du Nord ou de l’Ouest.

Est-ce que cet accompagnement va jusqu’à la prescription d’équipements comme les cabines, les aires de préparation, etc. ?

Nous effectuons des recommandations en termes d’équipements compatibles, par exemple, avec l’hydrodiluable, mais en aucun cas, nous ne proposons de matériels de telle ou telle marque. Ce n’est pas notre métier. Notre rôle consiste à définir les fonctions des équipements dont le peintre à besoin pour effectuer telle ou telle tâche, des équipements qui soient conformes à l’activité envisagée. Je suis convaincu que les fabricants d’équipements sont capables de conseiller les professionnels comme il se doit.

Avez-vous les mêmes types de concurrents en Afrique du Nord qu’en Europe, ou vous heurtez-vous à des fournisseurs de produits à bas coûts et de mauvaise qualité, venus de Chine ou d’ailleurs ?

Nous avons, dans le marché que nous occupons, les mêmes concurrents qu’en France ou en Europe avec des marques différentes, parfois, mais avec le même degré de qualité et de compétences. Sur ce segment de marché, la couleur est tellement essentielle, le temps de séchage, également, par rapport aux économies que l’on peut réaliser, que nos clients se montrent très exigeants vis-à-vis des partenaires qu’ils ont choisis. C’est pourquoi, nous retrouvons les grands fabricants de peinture qui opèrent partout dans le monde – nous ne sommes pas nombreux. Sur le deuxième volet de votre question, je ne saurais vous répondre sur l’existence de contrefaçon de produits, parce que nous n’y avons pas été confrontés, et aussi parce que la complexité des produits de peinture est telle que je ne vois pas comment on pourrait les reproduire. Et sur notre segment de marché, nous ne trouvons pas de produits de mauvaise qualité à bas coûts. Nous sommes tous en train de démontrer que nos produits sont meilleurs avec tous les avantages techniques et technologiques qu’ils offrent. Nous assistons à une vraie course à la performance sur ce segment de marché. De notre part et de celle de nos clients.

Est-ce que vos clients sont à même d’absorber un outil tel que le spectrophotomètre Glasurit que vous avez présenté le mois dernier, en France ?

Assurément ! Cette innovation sera d’ailleurs, évidemment, présentée dans tous les pays et bien sûr en Afrique du Nord, et je suis convaincu que ce genre d’outils rencontrera un vrai succès parce que les professionnels ont un réel besoin de précision colorimétrique. Et ce n’est pas un investissement coûteux, parce que ce que nous devons chercher, c’est d’abord la performance. Les problèmes de qualité sont liés aujourd’hui à une mauvaise identification de couleur, ou à une mauvaise utilisation des outils, c’est pourquoi aussi, la formation est tellement nécessaire. La recherche de couleur et l’utilisation des produits sont les principales causes de la perte de marge. Aujourd’hui, la peinture n’est pas un métier de produit, c’est un métier de main d’œuvre, et nous devons faire gagner en temps et en précision le professionnel. Cet outil, le spectrophotomètre, est techniquement très bien adapté au marché, et également en termes d’investissement, d’utilisation ou encore de formation.

Quels sont les conseils que vous aimeriez prodiguer aux carrossiers ? Vos atouts différenciateurs pour qu’ils aillent chez vous ?

Les professionnels de la carrosserie doivent prendre en compte le fait qu’ils doivent acheter une solution complète et que celle-ci ne consiste pas à regarder uniquement le prix ou le brillant du vernis. La solution complète se définit par la capacité que l’on a à montrer la performance économique de notre produit, ce qui induit d’intégrer les coûts énergétiques, les coûts humains, la productivité (…). Il faut intégrer une multitude d’éléments, aujourd’hui, pour être capable de mesurer la performance aujourd’hui d’un fournisseur convenable. Il faut que les professionnels soient à la recherche de solutions globales qui comprennent le produit, le consulting, la formation, le service, le stockage, la livraison, l’utilisation des produits, etc.  Pour qu’on les accompagne dans leur développement, il faut qu’ils soient exigeants à l’égard de leur partenaire qui doit être disponible et pas seulement en termes de produit – même s’il est important-, mais en services complets.

  Propos recueillis par Hervé Daigueperce

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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