Benamar Abdallahi, directeur général de Nord Est Auto Trading

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« Face à l’évolution des technologies, des énergies, des motorisations, nous devons nous tenir informés de ce qui se passe et bénéficier de données que seules les grandes organisations internationales peuvent collecter auprès des fournisseurs mondiaux. »

Lorsque vous créez votre propre société à Oran, quelle politique produits adoptez-vous ?

Lorsque je suis arrivé à Oran, en 95, j’ai décidé de créer ma propre structure, une EURL puis une SARL afin de pouvoir importer des pièces d’origine, de première monte, directement auprès des équipementiers. Cela n’a pas été toujours facile, parce que certains d’entre eux ne vendaient pas en direct et passaient par des sociétés d’export comme Soeximex. Progressivement, nous avons pu importer des pièces première monte directement auprès de l’équipementier.

Quels ont été vos premiers fournisseurs ?

Le premier à répondre positivement a été Bendix, puis Corteco, puis SNR et… Et aujourd’hui, nous commercialisons aussi Mahle, Vernet, LuK, TRW, SKF, Delphi, Kyb, RTS, Sogefi, Sorea, ou encore UF France. Nous continuons d’acheter auprès d’Automotor. Parallèlement, nous travaillons avec quelques équipementiers turcs qui sont soit en première monte en Turquie, soit sous-traitants de grandes marques internationales. Nous avons ainsi les suspensions Orjin Automotive et les pistons Koneks.

Quels ont été les arguments que vous avez employés qui ont réussi à convaincre les équipementiers à vous choisir comme distributeur ?

C’est un ensemble de facteurs qui ont permis la constitution de notre panel de fournisseurs. Bendix a accepté de nous livrer, le premier, parce que nous avions déjà une bonne réputation, de sérieux et de professionnalisme. Les objectifs qu’ils nous ont fixés ont d’ailleurs été tenus, dès la première année, et cela a joué en notre faveur pour l’acceptation d’autres partenaires. Par ailleurs, des équipementiers comme SNR ont changé leur politique à l’époque, ils ont, en effet, décidé de prendre des distributeurs en direct plutôt que de passer exclusivement par des regroupeurs qui exportent plusieurs marques et familles de produits. A l’époque, alors qu’il y avait beaucoup de contrefaçon et qu’il était très dur de vendre cette marque, j’ai réussi à bien commercialiser les produits SNR sur Oran et à garder la place !

Existe-t-il des marques que vous n’avez pas et que vous aimeriez avoir ?

Pour l’instant, je crois que nous avons tout ce qu’il nous faut. Nos n’avons pas Valeo mais nous disposons de LuK, nous n’avons pas Elring, mais nous avons Corteco… tout va bien. Surtout qu’avec les nouveaux modes de paiement, nous ne pouvons pas démultiplier les marques.

Les marques que vous distribuez, des marques premium ne sont pas forcément les plus abordables au niveau du prix, pourquoi avoir fait ce choix ?

Choisir des marques d’origine c’est assurer à nos clients qu’ils travaillent avec des pièces de qualité, des pièces d’origine, celles qu’ils voient montées sur les voitures. Ils achètent un roulement SNR parce qu’ils voient sur le roulement la marque SNR, même chose pour LUK en embrayage, etc. Ils savent que c’est de la qualité, qu’il n’y aura pas de problème, et ne se posent plus de questions. Ce sont aussi des pièces garanties et qui assurent la sécurité de leurs clients automobilistes. Tout cela fait que la question du prix s’avère beaucoup moins importante. Lorsqu’ils montent des plaquettes de frein TRW, ce n’est pas n’importe quoi et ils le savent bien, nous n’avons pas besoin d’expliquer pourquoi.

Etes-vous spécialisé uniquement en pièces pour véhicules français ?

Nous sommes toujours spécialisés en pièces pour véhicules français, mais, depuis quelque temps, nous travaillons les pièces pour véhicules allemands, parce qu’il y a de la demande. En effet, avec le montage des véhicules allemands en Algérie, il y a de plus en plus de besoins en ce sens.

La notion d’exclusivité pose toujours débat en Algérie, quel est votre avis sur la question ?

L’exclusivité est appréciable en ce sens que l’on peut s’investir dans la commercialisation des produits de la marque et atteindre ses objectifs sans craindre une concurrence déloyale. En effet, si nous sommes plusieurs sur une marque, rien n’empêche l’un des importateurs, parce qu’il a des besoins urgents en trésorerie, par exemple, de casser les prix et ainsi de mettre à mal le marché, ce qui est préjudiciable pour tous les autres. L’exclusivité nous permet de maîtriser les prix et d’atteindre les volumes de vente demandés, même si cela requiert beaucoup plus de travail.

Avez-vous été tenté de vendre d’autres familles de produits ?

Nous avons voulu travailler les lubrifiants et avons disposé de la marque Unil Opal, mais nous n’avons pas réussi à l’imposer sur le marché pour des questions de prix. En revanche, nous sommes très souvent sollicités pour du Castrol, une marque que j’aimerais bien avoir en portefeuille !

Disposez-vous de plusieurs établissements ?

En plus de notre siège, ici, de 800 m², nous nous appuyons sur un grand dépôt à Oran (plus de 1 000 m²), mais nous n’avons pas d’autres magasins en Algérie parce que nous avons un grand nombre de clients qui assurent un maillage optimal pour la vente de nos produits. Et nous bénéficions de transporteurs qui sillonnent le territoire national, ce qui nous évite d’avoir des magasins en propre. Nous avons essayé d’en avoir un à Alger, mais cela déplaisait à nos clients et nous l’avons vite arrêté. Par ailleurs, il est difficile de trouver du personnel pour gérer des magasins à votre place à l’autre bout du pays. Notre force consiste à bien gérer nos stocks pour avoir de la disponibilité sans surstocker inutilement. Nous travaillons avec des logiciels de gestion, ce qui permet, également, de mieux répartir le travail. Nous disposons d’une vingtaine de salariés à Oran.

Est-ce difficile de trouver du personnel aujourd’hui ?

Nous formons nos personnels chez nous et sommes attentifs à les garder ! Bien sûr, nous essayons de leur donner un bon salaire, mais surtout, nous les laissons libres et responsables dans l’exercice de leur travail, tout écoutant leurs besoins, et en leur fournissant des formations. Deux des employés qui sont entrés dans l’entreprise à ses débuts ont pris leur retraite !

Qu’est-ce qu’un bon client pour vous ?

Celui qui prend beaucoup de références est un bon client, surtout si c’est un bon payeur aussi ! J’accorde beaucoup d’importance à la fidélité également, et à l’attachement à la marque et à la disponibilité, pas seulement au prix.

Comment construit-on son réseau des bons clients, quelle est la recette ?

Ce n’est pas un problème de chiffre. Je cherche des clients qui sont des connaisseurs. Je préfère les clients qui connaissent la pièce et qui aiment leur travail. Avec un bon client, nous bénéficions aussi de retours d’informations sur de nouvelles pièces, sur des attentes du marché, autant de données qui nous aident à affiner notre offre et à développer les bons produits au bon moment. On a toujours du nouveau et nos clients agissent comme si c’étaient nos magasins. Ils font vivre leurs magasins, savent ce qui se vend et nous font savoir ces informations, pour que nous leur apportions les produits que le marché veut et qui seront vendus.

Un bon fournisseur, pour vous, quelles qualités doit-il avoir ?

Un bon fournisseur, c’est celui qui répond aux besoins du client avec des produits de qualité, de la disponibilité et des prix adaptés au marché.

Les pièces devenant de plus en plus techniques, l’apport en formation des fournisseurs est essentiel, est-ce que vous avez organisé des séances de formation avec eux auprès de vos clients ?

Nous avons déjà effectué des formations techniques de nos clients et de leurs clients, notamment avec TRW et nous envisageons d’en faire avec Schaeffler et Sogefi. Nous invitons les distributeurs et leur demandons de venir avec les mécaniciens de manière à apporter des informations et des méthodologies techniques jusque dans les garages. Il est impératif de mettre à jour les compétences techniques des opérateurs sur le terrain.

Avez-vous envisagé de détenir vos propres garages à Oran ?

Mon fils, Mohamed El Amin Abdallah, via sa société Sarl Abdallahi Fils, a rejoint Groupauto Maghreb dans cette optique, c’est-à-dire mettre en place des garages aux couleurs du groupement et qui respecteraient le même cahier des charges partout, qui disposeraient des mêmes compétences, le même savoir-faire. Aujourd’hui, le matériel nécessaire pour intervenir sur les véhicules s’avère très sophistiqué et nécessite des formations et un soutien technique que les garages en propre n’arrivent plus à atteindre ni à obtenir. Miser sur une enseigne qui délivre les bons équipements, les outils de diagnostic et les savoir-faire d’aujourd’hui et de demain aux mécaniciens est devenu indispensable.

C’est aussi dans un souci d’envisager l’avenir qu’il a fait le choix de Groupauto Maghreb afin de participer dans ce groupement à l’implantation de sites industriels de fabrication de pièces détachées, ainsi que le souhaitent l’Etat et, bien sûr, les opérateurs économiques algériens. Ces sites se feront en partenariat avec les équipementiers internationaux membres de Groupauto International.

Vous êtes actionnaire d’Amerigo International, pourquoi avez-vous fait ce choix ?

J’ai rejoint Amerigo International parce qu’il me semblait important d’intégrer une structure internationale afin de rencontrer de grands équipementiers et d’échanger avec d’autres acteurs de la pièce. Cela s’est fait naturellement parce que je suis un client de longue date d’Automotor.

Avec Autodistribution, Temot, Amerigo, Nexus et maintenant Groupauto, presque tous les grands groupements de distribution ont désormais pris place en Algérie. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Face à l’évolution des technologies, des énergies, des motorisations, nous devons nous tenir informés de ce qui se passe et bénéficier de données que seules les grandes organisations internationales peuvent collecter auprès des fournisseurs mondiaux. Il nous faut être unis et forts pour tenir sur le marché, seule la force de l’union nous permettra de résister aux grandes mutations et aux regroupements des uns et des autres.

Etes-vous inquiet de la concurrence accrue des réseaux constructeurs comme Eurorepar ?

Plusieurs expériences des constructeurs ont vu le jour et n’ont pas donné grand-chose. Aujourd’hui, nous ne ressentons pas de crainte réelle vis-à-vis d’eux. Il semblerait qu’Eurorepar soit mieux armé, mais ils démarrent doucement.

L’avenir s’annonce rude pour la distribution de pièces, aussi, quand votre fils a décidé d’emprunter le même chemin que vous, est-ce que cela vous a déplu ?

Au contraire, j’ai beaucoup apprécié que mon fils veuille exercer le même métier que moi, j’ai trouvé cela génial ! Je me sens libéré ! Je suis tranquille car je sais maintenant que tout ce que j’ai construit va se poursuivre ! Je crois en l’avenir de la rechange, mais je sais qu’il faut s’armer pour aborder les nouvelles technologies. Même la mécanique a profondément évolué, je le vois avec mon autre fils qui étudie la mécatronique et se prépare à entrer dans notre filière. La nécessité de la professionnalisation de nos métiers est devenue capitale. Cependant, il a lui aussi, confiance dans l’avenir puisqu’il est associé dans la nouvelle société ! il faut s’en donner les moyens.

Vous évoquez la professionnalisation des métiers de la filière, est-cela qui vous a amené à participer à la création de l’Association Opérateur Economique ?

Nous avons créé cette association pour protéger notre profession. Cela passe par des discussions, des négociations avec le gouvernement lorsqu’il est question d’établir de nouvelles lois ou règles pour notre profession. Seul, je ne peux rien faire parce que l’on croira que c’est au profit de ma propre entreprise. Avec l’association, nous parlons d’une seule voix pour l’ensemble des acteurs. C’est la même chose pour la question de la contrefaçon : si mon voisin importe des pièces de contrefaçon, je n’y peux rien, alors qu’avec l’association, nous pouvons réagir pour la défense du consommateur final. C’est pourquoi, également, dans l’association, nous travaillons sur l’organisation, qui, au final, régit 90 % du travail, et je parle de l’organisation en amont. Un travail qui n’est pas pensé ni organisé n’obtiendra pas de bons résultats. Les schémas organisationnels de notre activité font l’objet d’une grande part de notre travail au sein de l’association.

Est-ce que vous êtes satisfait de l’évolution de l’association, est-ce que cela va assez vite pour vous ?

Les démarrages sont toujours lents et il est vrai que nous aimerions aller plus vite, mais il fallait d’abord se connaître, établir les chartes, etc. Nous allons à notre allure et comptons bien rallier d’autres membres, voir d’autres associations régionales éclore afin de faire naître une fédération nationale plus représentative encore.

Vous évoquiez le sujet de la contrefaçon, est-ce que cela représente encore un réel problème dans le pays ?

Il y a eu beaucoup d’efforts d’effectués pour lutter contre la contrefaçon de la part du gouvernement. Cependant, ce sont les professionnels qui doivent agir en faisant connaître les marques et les produits et contribuer ainsi à ce que la contrefaçon ne gagne pas du terrain. Aujourd’hui, les mécaniciens savent quelles pièces sont d’origine, contrefaites ou mal faites. Leur responsabilité est donc engagée auprès de leurs clients, c’est ce qui fait reculer la contrefaçon. Vendre une mauvaise pièce en le sachant et être responsable d’un accident ne devrait plus arriver. Comme les équipementiers de première monte ont leurs distributeurs directs, les professionnels savent chez qui trouver la bonne pièce, qui sont les distributeurs officiels, ils savent aussi qui ne devrait pas avoir des pièces de telle ou telle marque, donc si elles ne viennent pas du bon endroit. Avec cette connaissance, les réparateurs ne peuvent plus se tromper. Cela va même plus loin, en ce sens que les distributeurs de pièces d’origine ont su gagner la confiance de leurs clients à tel point que ceux-ci font plus confiance à leur distributeur qu’à une marque. Une marque de qualité qui a été vendue par un distributeur malhonnête ne trouvera plus preneur !

Qu’est-ce qui fait qu’un professionnel préfère acheter chez vous plutôt que chez quelqu’un d’autre ?

Comme je l’ai évoqué, ils viennent pour la confiance que j’ai su leur donner. Et l’assurance de la qualité des produits, de leur origine, ainsi que de la disponibilité des produits. Une étiquette se copie, mais pas notre magasin !

Vous exposez sur Equip Auto Alger dans le cadre du stand de l’Association Opérateur Economique, qu’attendez-vous du salon ?

Essentiellement, ce que nous souhaitons sur Equip Auto, c’est échanger avec nos fournisseurs, nos partenaires et nos clients ; nous sommes là aussi pour mettre en relations nos clients et leurs clients avec les fournisseurs sur les questions techniques principalement. Personnellement, je trouve les salons très utiles et informatifs, c’est pourquoi je me rends sur Equip Auto Paris, Automechanika Francfort, Istanbul, Shanghai, etc. C’est une bonne manière de rencontrer de nouveaux fournisseurs ou de découvrir les nouvelles technologies. Nous avons la chance de voir assez souvent nos fournisseurs ici à Oran, cependant, voir ce qui se fait de nouveau chez les autres s’avère aussi très intéressant.

Quels seraient vos souhaits aujourd’hui, pour votre profession ?

Ce que j’aimerais vraiment faire, c’est créer une usine de production de pièces, peut-être dans la suspension, l’échappement, les additifs, les liquides … Une usine en Algérie pour le marché algérien et peut-être pour l‘export…

  Propos recueillis par Hervé Daigueperce

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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