L’avenir algérien du turbo

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Le turbo devrait coloniser la rechange aussi sûrement qu’il colonise les véhicules. Un véritable marché d’avenir pour les acteurs présents en Algérie. A condition, bien sûr, de passer outre les problématiques de concurrence déloyale générée par la contrefaçon et de ne rien lâcher pour pousser réparateurs et distributeurs à se professionnaliser davantage encore.

Pour 2018, les analystes de Mahle prévoient que 550 millions de véhicules dans le monde seront équipés de turbocompresseurs. Pour le marché de l’après-vente, ce chiffre astronomique représente un chiffre d’affaires potentiel de plus de 1,7 milliard d’euros. S’il est vrai que la durée de vie d’un turbo correspond en règle générale à celle du moteur qu’elle équipe, une panne prématurée occasionnée notamment par un entretien incorrect, une lubrification insuffisante ou encore des températures excessives peuvent nécessiter son remplacement. De fait, en Algérie, le marché du turbo représente un véritable potentiel : structure du parc faisant le grand écart entre véhicules de plus de 10 ans et véhicules de moins de 4 ans, conditions d’utilisation favorables au changement…restent quelques améliorations en matière de connaissances techniques à insuffler à ce marché pour qu’il explose. Les acteurs du turbocompresseur en font le pari.

Un marché d’avenir… sous certaines conditions

Difficile d’appréhender le marché du turbo en Algérie car, sans être totalement opaque, ce dernier manque encore cruellement de visibilité. Néanmoins, si l’on recoupe les analyses personnelles des principaux acteurs impliqués dans la vente de cette pièce avec les données connues du parc algérien et de son faible taux de diésélisation (environ 19 % de VL), le volume du turbo à la Rechange serait de l’ordre de 125 000 à 150 000 unités par an pour le marché VL/VUL et VU/SUV. « N’oublions pas non plus les particularités uniques de ce marché qui reste paradoxal : plus de 50 % du parc a plus de 10 ans et la tête de parc (0 à 4 ans) est en train de rajeunir rapidement. Il faut également tenir compte de l’effet des ventes Logan qui créé une vraie distorsion dans la structure du parc », détaille Georges Mourad, Responsable des marchés Europe de l’Ouest, Moyen-orient et Afrique pour Mahle Aftermarket. Sans compter que l’Algérie reste le second parc automobile africain après l’Afrique du Sud. Bref, les conditions d’utilisation, la structure évolutive du parc ou encore les conditions d’entretien des véhicules restent hyper favorables aux changements de turbo. Un constat que fait Julien Le Grix, directeur des ventes chez Honeywell IAM : « Sur l’Algérie, nous avons une vision, pour Garrett, d’un marché de 50 000 pièces par an en rechange. Et globalement nous évaluons le marché à 10 millions d’euros. Plus le parc est diésélisé, mieux nous nous portons certes, mais en Algérie, la taille du parc roulant et son âge, présentent un vrai potentiel. Les technologies sur le parc en Algérie sont également plus récentes ».

Pour l’heure, eu égard aux différences d’âges et d’état des véhicules roulants, le marché du turbo est plus ou moins partagé entre trois groupes différents. D’un côté les véhicules ayant de 0 à 2 ans encore couverts, dans le cadre de la garantie, par le réseau OES. Ensuite, les véhicules âgés de 4 à 10 ans dont les interventions sur le turbo sont clairement déléguées aux acteurs principaux de la rechange indépendante et sont davantage portées par les pièces neuves. Enfin, les véhicules de plus de dix ans dont la valeur résiduelle est faible et le kilométrage moyen très élevé (soit environ 20 000 kms/an en moyenne). La demande est alors, dans ce dernier cas de figure, entre les mains d’une offre locale de réparation de turbo et des produits asiatiques de faible qualité.

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Un marché à deux vitesses

Certes, la notion de pièce d’origine prend tout son sens lorsqu’il s’agit de répondre aux exigences techniques d’un marché en pleine explosion et qui ne trouve, pour l’heure, aucune alternative en échange standard. En effet, l’Algérie a pour particularité d’interdire l’importation de vieilles matières et de turbos re-manufacturés. Seulement voilà, le revers de la médaille c’est que la pièce asiatique, elle continue dans le même temps de faire des ravages, le turbo n’échappant pas à la règle. Pourquoi faire des ravages ? Simplement parce que le turbo n’est ni plus, ni moins, qu’une pièce utilisée dans le monde de l’aérospatiale adaptée aux véhicules. Qu’on se le dise : La vitesse de rotation de la turbine et des ailettes du compresseur peut atteindre 240 000 tours par minute, soit 4 000 tours par seconde et peut atteindre une température de 1 000 degrés…une paille ! Or, qui dit copies ou, pire, contrefaçons, dit forcément produits de piètre qualité. Pour Georges Mourad, la comparaison est on ne peut plus limpide : « Les produits contrefaits ne soutiennent absolument pas la comparaison en termes de performances, de rendement énergétique et/ou de durée de vie. Lorsqu’ils ne tombent pas carrément en panne quelques heures après leur installation, les turbos de contrefaçon offrent 20 % de puissance moteur en moins, augmentent de 10 % la consommation de carburant, quand ils n’endommagent pas franchement le moteur ». Bref, pour 100 euros économisés à l’achat d’une copie ou d’une contrefaçon au regard d’une pièce d’origine, c’est 900 euros minimum de surcoût engendré par une casse bien plus grave.

Et pourtant, en Algérie, le phénomène est loin d’être endigué. En témoigne la ville d’Aïn M’Lila, entre Batna et Constantine, véritable Disney Land de la contrefaçon, et que tout le monde connaît. Selon les dernières statistiques des douanes algériennes, plus de 800.000 articles ont fait l’objet de saisies, parmi lesquelles on retiendra les pièces détachées, la quincaillerie, les cosmétiques, les articles scolaires, les produits électroniques, l’optique et la lunetterie…

Copie et contrefaçon : le manque à gagner

Il faut cependant distinguer la contrefaçon, passible de poursuites pénales, de la copie, sorte d’avatar « light » d’une marque. La principale différence : le packaging. En effet, là où un contrefacteur va mettre sur le marché un turbo estampillé Garrett au lieu de Garett, un « copiste » va commercialiser un produit qui ne tentera pas d’imiter l’original, mais se targuera d’avoir des fonctionnalités parfaitement en mesure de remplacer une unité Garett. « Bien sûr, pour ce dernier, on ne parle pas de garantie, de qualité, etc, mais c’est légal », souligne Julien Le Grix. Concrètement, et pour achever de dissocier les deux phénomènes, on trouve des copies pour les voitures européennes et des contrefaçons pour les camions, les véhicules industriels et le parc de véhicules chinois. « Nous savons que le manque à gagner est important à cause de cela, surtout que si l’on ajoute à la notion de quotas, un parc qui vieillit, cela pousse le besoin en pièce de rechange. Or, la solution la moins chère, en Algérie, est souvent la meilleure. Nous devons donc avoir un discours pour expliquer les bonnes pratiques, les risques liés au turbo…Il faut faire passer des messages. Il faut vraiment s’y atteler car c’est dommageable pour tout le monde, pour le conducteur comme pour le professionnel », constate Julien Le Grix. Au point d’ailleurs que la société Honeywell envisage aujourd’hui d’entrer dans une véritable démarche de lutte contre les produits de contrefaçon, en mettant en place comme en Chine, des enquêtes, des raids, jusqu’au dépôt de plainte.

Faites-vos jeux !

Alors quels paris faire sur ce marché du turbo pour profiter au mieux du potentiel qu’il représente en Algérie, en dépit des contraintes ? Les acteurs du turbocompresseur présents sur le marché sont unanimes : le turbo va exploser. « Le parc algérien se rajeunit considérablement et le volume de véhicules turbo compressés, lui, gonfle dans les mêmes proportions. Il y aura de plus en plus d’interventions en rechange. De plus, un turbo ne se vend pas seul mais avec son filtre à air, son filtre à huile et l’huile au grade adaptée pour le moteur. De ce point de vue, le turbo permet de réaliser des ventes additionnelles et, par la même, de la rentabilité », entrevoit Georges Mourad. Même son de cloche du côté d’Honeywell : « Le marché évolue considérablement en première monte. Aujourd’hui, tous les constructeurs passent au turbo et cela va arriver sur le marché algérien. Des turbos qui sont, sur le diesel, de plus en plus techniques et il faudra donc monter en compétence là-dessus surtout que sur le diesel, contrairement à l’essence, il n’y aura pas de réparation possible. Donc nous entrevoyons aussi une opportunité sur la réparation du turbo essence et cela, il faut le pousser ».

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Il y a donc, pour les acteurs en présence, un vrai défi à relever pour le turbo en Algérie. « Demain, il faudra donc pouvoir s’appuyer de plus en plus sur des distributeurs qui pourront à la fois vendre et réparer le turbo, des anciens modèles aux modèles plus sophistiqués dotés de roulement à bille à géométrie variable, tout comme ont commencé de le faire certains de nos concurrents », analyse Georges Mourad. Le pari gagnant est bien celui-ci : structurer davantage la distribution et former mieux les opérateurs. Opérateurs qui, d’ailleurs ne demandent que cela. En témoigne le constat fait par Julien Le Grix lorsqu’il organise, in situ, des séances de formation. Concrètement, pour ce fin connaisseur de l’ensemble des marchés de la rechange automobile au Maghreb : « En Algérie, la structuration est en cours, il faut juste qu’il y ait une stabilisation des règles administratives et une régulation de l’importation de la copie et de la contrefaçon chinoise qui est vraiment de très mauvaise qualité. Mon marché de rêve, en réalité, serait qu’il ait le niveau technique de la Tunisie, la taille du parc algérien et la structure du parc marocain ! ». Qu’on se le dise.

Ambre Delage

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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