Hichem Bouzidi, Directeur général de Tec Auto, Président de l’Association Opérateur Economique et Président de Groupauto Maghreb

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« Nous avons présent dans notre culture le sens du partage et au sein de Groupauto Maghreb, nous allons permettre à tous ceux qui veulent travailler la pièce de qualité de le faire, avec notre soutien et dans le respect des normes. »

Tec Auto, émanation d’Auto Diesel est-elle une version moins technique de la maison mère en termes de distribution de pièces ?

Auto Diesel n’a jamais été spécialisée dans la pièce technique et s’est appelée comme cela parce que l’activité principale tournait autour de l’injection, des pièces d’injecteurs, des poussoirs, des ressorts, des rondelles etc. Avant la pièce détachée, il fallait travailler d’abord l’injection. Puis les familles se sont agrandies et nous nous sommes aperçus que notre clientèle demandait toujours plus de produits. C’estpourquoi, nous avons fondé Tec Auto, qui a proposé au marché d’autres types de pièces comme les amortisseurs, et d’autres marques.

Lorsque vous avez commencé à importer, avez-vous dû, au départ, passer par des exportateurs ? Avez-vous éprouvé des difficultés à vous faire « référencer » ?

Dès le départ, avec Auto Diesel, nous avons importé des pièces auprès des équipementiers en direct, comme pour Sasic (qui ne portait pas encore ce nom) ou Mahle (Perfect Circle à dans ces années-là). L’époque était différente et cela se traduisait par des relations de confiance, des engagements de part et d’autre. Nous n’étions pas en quête de fournisseurs, puisque c’était les grandes marques qui recherchaient des professionnels pouvant satisfaire à leurs besoins de distribution de leurs produits dans de bonnes conditions, avec honnêteté et beaucoup d’efforts pour les faire connaître, pour en assurer le développement en Algérie.

Quand vous avez créé Tec Auto, quels ont été vos critères de choix en matière de fournisseurs ?

La réponse est simple, le principal critère se définit par la satisfaction et la protection du consommateur final. Il faut avant tout que le produit réponde aux normes de qualité. En deuxième position, bien sûr, arrive la disponibilité et en troisième le prix. Nous nous engageons également auprès d’un fournisseur pour lui apporter un développement cohérent et important de sa marque et de ses produits. Ainsi, nous ne prendrons une marque que si nous sommes en mesure de la distribuer sur le marché, cela signifie que nous avons effectué une étude au préalable, pour connaître les potentiels de cette marque sur le marché, pour valider si les produits sont bien positionnés en termes de tarifs et s’ils répondent à une attente exprimée de nos clients. Il faut noter, par exemple, que certaines marques, parce qu’elles ont subi des problèmes, qu’elles véhiculent une mauvaise réputation liée à une mauvaise politique commerciale ou une logistique défectueuse ou autre chose, ne passeront plus en Algérie, et il s’avère alors inutile de les importer, même si les produits sont bons ! Mais, avant tout, c’est la qualité qui prime. Cela vaut aussi pour notre association, qui accueille avec plaisir tous les professionnels du pays à condition qu’ils respectent les normes de qualité souhaitée.

Combien de marques avez-vous en portefeuille ?

Notre objectif a toujours été de bien gérer les marques que nous représentons. Quand on part avec une marque, on le fait à fond, on la développe à fond, on met tous nos moyens pour en assurer une bonne distribution. C’est pourquoi, nous ne préférons commercialiser qu’un petit nombre de marques, alors que nous pourrions en avoir une trentaine. C’est aussi la raison pour laquelle nos partenaires nous font confiance.

Etes-vous partisan de l’exclusivité ?

Nous avons quelques marques en exclusivité au niveau national, cependant l’exclusivité en tant que telle n’existe pas dans le monde. Et c’est là que réside l’un de nos problèmes, en tant qu’importateur. Nous savons très bien que des produits dont nous avons l’exclusivité peuvent être disponibles dans un autre pays, et vendus à une société algérienne pour des questions de volume. Comment expliquer, sinon, qu’il nous arrive de trouver sur notre marché, des pièces à des tarifs inférieurs à ceux que nous obtenons à l’achat, auprès de notre fournisseur, alors que nous en avons l’exclusivité ?  Un contrat mondial n’est pas possible, si bien que des produits peuvent arriver dans le pays par le biais d’un exportateur ou par une société étrangère. Dans le temps, cela pouvait avoir un sens, à l’époque de mon père, quand on était Marchal, c’était nous et personne d’autre et c’était pour la vie. Cette époque est révolue. Il n’en demeure pas moins que nous choisissons toujours des partenaires qui ont une stratégie claire, une politique de distribution qui respecte les engagements pris et soutiennent les distributeurs qui ont été référencés. Je donne toujours pour exemple Sasic, qui ne se détourne jamais de son objectif et verrouille les ventes de ses produits au bénéfice de ses seuls distributeurs et ce dans chaque pays.

Qu’attendez-vous de votre fournisseur partenaire en dehors de l’engagement sur le long terme ? En termes de service, par exemple ?

Ce qui prime, c’est justement cet engagement sur le long terme qui dépasse la notion de chiffres et place la confiance au centre des relations humaines. Il faut des efforts énormes pour imposer une marque sur un marché, et sans respect mutuel, sans confiance réciproque, cela ne peut pas marcher. Au-delà, nous n’avons pas vraiment besoin de soutien en marketing ou en formation. Il faut savoir que nos collaborateurs sont des professionnels qui assurent toutes ces fonctions très bien. Ce qui importe, en fait, c’est que notre partenaire garantisse la qualité de ses produits jusqu’au consommateur de manière à ce qu’il n’y ait pas de problème qu’il ne puisse résoudre immédiatement, et honore ses engagements de manière à ce que ne se crée pas de concurrence déloyale sur le terrain ! En clair, qu’il soit maître des prix de ses produits et prenne soin de ses opérateurs historiques.

Vous avez votre propre réseau de distributeurs, quelles sont les relations que vous entretenez avec eux ?

Nos distributeurs participent pour une grande part à la réussite de l’entreprise, ils constituent notre prolongement sur le territoire. Nous avons préféré, en effet, construire et accompagner notre réseau de distribution, le gérer avec soin, plutôt que d’avoir des centres de distributions propres, parce qu’on oublie trop souvent que le savoir-faire du distributeur local, nous ne pourrons pas l’égaler en envoyant des employés « étrangers » qui ne connaissent pas les habitudes, les comportements, les mentalités, la culture et, bien sûr, le marché des habitants d’une région différente. Chaque région d’Algérie, chaque ville dispose de ses propres repères, de sa propre histoire, tout comme ses propres besoins, et tout cela s’avère très important dans la compréhension d’un marché. Pour bénéficier de la fidélité de nos clients, nous devons nous adapter à la diversité de leurs besoins, y compris en termes de prix, de logistique, de nature de produits, d’aides à quelque niveau que ce soit.

Avez-vous besoin de vos partenaires en matière de formation ?

Nous avons, il y a longtemps, déjà, expérimenté des sessions de formation avec nos clients distributeurs, avec le support de nos fournisseurs. Nous avons relâché un peu ces tentatives mais pour mieux envisager les formations dans le cadre de l’Association Opérateur Economique, dont l’organisation de journées d’études techniques est l’une des missions prioritaires. Nous avons, pour 2019, un programme de formation sur le freinage mais sans que la marque ne soit citée. Beaucoup de gens ne savent pas, par exemple, que la plaquette de frein a besoin d’un rodage, et ce sont ces informations techniques que l’Association veut véhiculer, mais sans que cela soit dans le cadre de la promotion d’une marque par rapport à une autre, puisque nous n’avons pas tous les mêmes fournisseurs, et que notre objectif est et reste technique.

D’où vous est venue cette idée de création d’association professionnelle ?

Cela faisait bien une quinzaine d’années que j’y pensais, même les membres de notre association, parce que je regrettais qu’on ne puisse pas discuter entre professionnels, entre gens d’un même métier, de sujets qui nous importent tous et sur lesquels chacun peut apporter des avis, des conseils, des solutions. Je n’aime pas le mot concurrents entre nous, qui reflète une opposition, une rivalité, ce qui n’est pas le cas. Je préfère de beaucoup le mot confrères, qui confère à nos relations un sentiment d’entraide, d’union, de relations amicales et d’entraide. Nous défendons le même métier et nous pouvons nous asseoir à la même table. Cela n’a pas été facile au début, j’ai même failli abandonner, puis plusieurs de mes confrères m’ont assuré que c’était une bonne démarche. Depuis, je me réjouis de ce que nous avons pu mettre en place, ensemble, et je le dis en toute humilité, tant l’estime que je porte aux membres, à nos doyens est forte. Nous nous rencontrons souvent deux fois par mois, échangeons sur notre métier, proposons des idées, et surtout nous nous entraidons.

Combien êtes-vous dans l’Association et avez-vous des demandes d’autres régions ?

Nous sommes 17 et nous voudrions bien répondre aux demandes des autres distributeurs des autres régions, mais cela prend du temps parce que nous sommes une Association encore régionale. Nous sommes très ouverts au contraire parce qu’il y a beaucoup de confrères extraordinaires qui partagent les mêmes valeurs. Aujourd’hui, nous avons créé cette structure régionale, elle existe, désormais, et nous pouvons envisager d’aller plus loin, vers une association nationale.

Comment pourriez-vous résumer l’action de l’Association, aujourd’hui ?

Notre priorité s’est portée, essentiellement, sur la sensibilisation. Nous avons su, je crois, présenter notre profession sous son vrai jour, et les gens nous regardent d’une autre manière après avoir appris à bien nous distinguer de certains acteurs qui ne respectent pas les normes et les valeurs que nous défendons. Nous sommes reconnus également par les pouvoirs publics. Cependant je crois aussi important à mes yeux, le travail que nous avons accompli au quotidien, pour résoudre petits et gros problèmes des professionnels de notre région. L’application des nouvelles réglementations, par exemple, a été une source de stress pour beaucoup, alors que quand on réfléchit ensemble, tout semble bien plus facile. Lorsqu’on est seul à gérer son entreprise, en effet, on s’imagine parfois des problèmes là où il n’y a que des petites choses à changer, à améliorer, à remettre dans les bonnes cases.

Comment en êtes-vous venu à lancer le projet Groupauto Maghreb ?

Nombre de professionnels ont cru qu’une fois l’Association lancée, beaucoup de nouveautés allaient émerger dans la seconde. Il faut du temps – nous avons un peu plus d’un an – pour que l’on soit en mesure de monter des projets. Au départ, nous avons mis comme préalable la transparence. Elle préside désormais à toutes choses dans l’Association et par ricochets nous a orientés sur un processus économique sur une base claire et consciente de ce que nous pouvons faire ensemble. Nous avons réfléchi, ainsi, à la meilleure façon d’optimiser les achats et mutualiser le temps que nous leur consacrons auprès des fournisseurs. Il nous fallait une structure qui organise, qui réunisse au sein d’une structure d’achat unique les distributeurs. Parallèlement, nous avons mis en place une plate-forme qui répond aux commandes, permet une meilleure gestion des commandes, de façon à obtenir de meilleures conditions etc. Avec Groupauto Maghreb, nous allons également pouvoir proposer à certains distributeurs, qui n’avaient pas la possibilité d’accéder à certaines marques, de pouvoir en commercialiser les produits. Nous allons les accompagner pour qu’ils puissent vendre ces produits, en se conformant, bien sûr, à des conditions et à une charte internes.

Groupauto Maghreb se veut comme le prolongement de la promesse contenue dans l’Association des Opérateurs Economiques ?

L’Association s’était donné des objectifs à accomplir, des projets à mener. La création de Groupauto Maghreb en fait partie, c’est l’une de nos premières réalisations. Les distributeurs actionnaires de Groupauto Maghreb sont, à l’origine, des acteurs de la rechange indépendante qui font partie de l’AOE, c’est de là que s’est parti, avec en filigrane, toujours, la protection du consommateur. Car en « militant » pour la pièce d’origine, pour la pièce proposée par Groupauto International, nous « militons » pour la qualité, la sécurité et la protection du consommateur final. Nous avons présent dans notre culture le sens du partage et au sein de Groupauto Maghreb, nous allons permettre à tous ceux qui veulent travailler la pièce de qualité de le faire, avec notre soutien et dans le respect des normes, et en profitant de la valeur ajoutée, de la marge au même titre que tous les autres. J’en profite pour exprimer mon admiration devant les membres de l’Association, qui sont fidèles, respectueux et d’une extrême sagesse, alors même qu’ils ont très rapidement compris ce qu’il fallait faire. Je ne fais pas de grandes choses, mais seulement des petites avec un amour devant des grands hommes. Je les en remercie beaucoup.

Quels sont les autres atouts de Groupauto Maghreb ?

En groupant nos achats, en optimisant la logistique, en adoptant une meilleure organisation via le groupement, nous allons augmenter nos ressources. Forts de cette position, nous avons envisagé d’autres actions à mener en commun, c’est comme cela que l’idée de nous lancer dans la fabrication s’est invitée naturellement dans nos débats. Se lancer seul dans la fabrication s’avère trop compliqué, mais en mutualisant les ressources tant humaines que financières, en présentant un projet à nos partenaires équipementiers d’envergure internationale, en organisant la filière aval de la distribution des produits et donc en nous engageant sur des volumes, la réalisation est à portée de mains. La plus-value de Groupauto Maghreb réside aussi dans ces opportunités pour tous les distributeurs adhérant au projet.

D’autres groupements existent en Algérie, pourquoi celui-ci plus qu’un autre ?

D’abord parce que c’est sans doute le groupement qui va rapporter le plus à l’Algérie, au Maghreb parce qu’aucun autre groupement – à ma connaissance – n’est domicilié en Algérie et n’entre dans le cadre d’un partenariat d’entreprise 49/51. Par ailleurs, nous n’allons pas rester sur un premier accord, nous nous engageons ensemble vers la création d’usines, et le rôle de Groupauto Maghreb est bien d’agréger des gens, des managers à monter des sites de production en commun. Les ambitions de Groupauto Maghreb vont bien au-delà des promesses contenues dans les partenariats des autres groupements. Nous avons la chance d’être adoubés par Groupauto International dont les ambitions pour le Maghreb sont fortes.

Que pensez-vous du marché de la rechange en Algérie ?

Nous avons dû revoir notre façon de penser et de travailler à la suite de l’instauration des nouvelles réglementations, des 120 % et des trente jours. Nous ne pouvons plus nous permettre d’importer des produits sans être assurés d’en vendre au moins 80 % rapidement. Auparavant, il nous arrivait de mettre sur le marché des nouveautés tout en sachant que nous allions mettre un peu de temps pour tout vendre. Cette liberté n’existe plus. Par ailleurs, le secteur de la maintenance dépasse maintenant de très loin celui de la réparation, néanmoins, le marché de la rechange se veut toujours un marché porteur et intéressant.

Vous êtes confiant pour l’avenir, la quatrième génération peut se préparer !

Il y avait une époque où l’on entendait souvent cette phrase, « travailler, mieux que faire des études ». Aujourd’hui, il faut avoir les deux, il faut avoir le bagage et un métier. Je souhaite que cela soit le choix de mes enfants, parce que j’aimerais qu’ils occupent mon bureau. Je n’en parle pas et j’essaie de les impliquer, comme l’a fait mon père, les impliquer à aimer notre travail. C’est comme un héritage, la transmission de notre métier ! J‘ajouterais que la création de Groupauto Maghreb va également dans ce sens, d’apporter plus de professionnalisation à notre filière, à nos métiers, de manière à ce que nos activités soient pérennes. Nous envisageons également l’implantation de réseaux de garages, VL et PL – n’oublions pas le PL qui est particulièrement important, de programmes de formation, d’ouverture vers d’autres secteurs d’activité, comme l’équipement de garage, et réfléchissons à de nombreux projets qui construisent un avenir plus sûr.

Propos recueillis par Hervé Daigueperce

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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