Le turbo passe la seconde

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Véritable marché d’avenir, le turbo est en passe de gagner quelques substantielles parts de marché au sein de la rechange indépendante. Pour l’heure, la profession s’organise, anticipant ainsi un rajeunissement notable du parc automobile algérien et, dans son sillage, une croissance exponentielle du nombre de turbocompresseurs susceptibles d’être changés !

Organisé par nationalité, le marché algérien de l’aftermarket a la particularité d’évoluer à une vitesse proportionnelle à l’évolution du parc roulant. Vite, en somme. Au point qu’il est parfois difficile pour les acteurs qui souhaiteraient y poser leurs jalons de l’appréhender dans sa totalité. Et évidemment, le marché du turbocompresseur, sans être opaque, manque encore suffisamment de visibilité pour proposer quelques chiffres bien sentis à se mettre sous la dent. Et pour cause. Evaluer les volumes de ventes du turbocompresseur en rechange sur le marché algérien c’est déjà réussir à estimer, à coups sûrs, le parc roulant.

D’après la plupart des interlocuteurs déjà présents sur le marché, le volume du turbo en aftermarket serait d’environ 125 000 à 150 000 unités par an. Mais, pour Clément de Valon, directeur après-vente Monde de Honeywell : « Il faut prendre en compte les particularités uniques de ce marché qui est très paradoxal : plus 50 % du parc a plus de 10 ans et la tête de parc (0-4 ans) est en train de rapidement rajeunir. Il faut également prendre en compte l’effet des ventes Logan qui crée une vraie distorsion dans la structure du parc. Dans l’état actuel de notre connaissance du parc Algérien et du faible taux de diésélisation des véhicules légers (autour de 19 %) nous avons une vision du marché annuel, toutes marques de turbo confondues, autour de 125 000 unités pour le marché VL-VUL et VU/SUV ». De fait, et afin d’assurer sa croissance sur un marché parfois un peu difficile à cerner, Honeywell a décidé, depuis plus d’un an et demi, d’ajouter à son organigramme la fonction de Country Marketing Manager.3

L’idée : optimiser sa compréhension du marché algérien, soutenir son niveau de connaissance et d’étude dudit marché, et assurer également le support opérationnel et marketing de ses clients. Ce qui l’aura probablement conduit, entre autres, à lancer récemment les fameux Garett Authorized Center (cf. encadré). Autre acteur incontournable du turbocompresseur en Algérie, Vege, lui aussi, reste à l’écoute des demandes du marché et estime, sous la voix de Eric Coquet, directeur général Vege France, que : « le volume en aftermarket est d’environ 150 000 turbos car les conditions d’utilisation et d’entretien sont favorables aux changements ».

Quand la notion d’OE prend tout son sens

Environ 150 000 unités donc, sur un parc roulant de quelques 5,49 millions de véhicules dont 48 % ont entre 0 et 9 ans… Il reste encore de belles perspectives d’évolutions sur ce marché du turbo, encore balbutiant. Pour l’heure, eu égard aux différences d’âges et d’état des véhicules roulants, le marché du turbo semble être répartit en trois groupes distincts. D’une part, les véhicules ayant de 0 à 2 ans, encore couvert, dans le cadre de la garantie, par le réseau OES. Pour Clément de Valon : « Au-delà de 3 ans, leurs faibles couvertures du besoin pièce est essentiellement due à une politique tarifaire pas toujours réaliste et par le manque de structure et de force terrain dédiée à la vente de la pièce technique vers l’IAM ».

1Ensuite les véhicules âgés de 4 à 10 dont les interventions sur le turbo sont clairement déléguées aux acteurs principaux de la rechange indépendante. Une rechange indépendante qui, en l’occurrence, pour Honeywell-Garett peut être perçue ici comme le cœur du marché de la pièce neuve. Et enfin, les véhicules de plus de 10 ans dont la valeur résiduelle est faible et le kilométrage moyen hyper élevé (rappelons que le kilométrage moyen annuel en Algérie est de 20 000 km, ce qui en fait le pays leader en ce domaine, devant la Russie !). Ici, la demande serait principalement comblée par une offre locale de réparation de turbo et des produits asiatiques de faible qualité.

Mais dans le grand écart qui rejoint l’OE à la pièce asiatique, reste-t-il une place pour l’échange standard ? « J’ai constaté un changement de consommation de turbos depuis ces 5 dernières années. Alors, une grande part des turbos vendus était issue de l’échange standard et des importations massives de turbos chinois de très mauvaises qualités.  Force est de constater qu’après de nombreux déboires techniques et de malfaçons, les distributeurs et les consommateurs s’en sont lassés ! Nous sommes aujourd’hui revenus à une demande forte de qualité et une exigence sur la provenance des produits », constate Eric Coquet.

Quant à l’offre de turbos en échange standard qu’ont mis en place certains constructeurs, elle semble souffrir d’un vrai problème d’opacité.2 Commercialement mal positionnée, elle va également à l’encontre de la législation algérienne qui interdit, purement et simplement l’importation de vielles matières et de turbos remanufacturés. Sans compter qu’aucun acteur local n’est aujourd’hui en mesure d’effectuer la réparation des turbos avec la compétence nécessaire, ni d’en assurer les volumes et la qualité qu’exigeraient les constructeurs… Alors qu’y a t-il dans les boîtes de turbos « échange standard » vendus en Algérie ? La question reste entière.

Répondre aux exigences techniques d’un marché en pleine explosion et qui ne trouve, pour l’heure, aucune alternative en échange standard… La notion de pièce d’origine prend décidément ici tout son sens. D’autant que la pièce asiatique continue, envers et contre tout, de faire des ravages. Le turbo n’échappant pas à la règle.

Le félon asiatique

Car c’est un fait, la concurrence asiatique fait rage sur le marché de la rechange automobile algérienne. D’une part parce que le système de quota, qui s’applique aux devises et non à la quantité de produits, profite, de fait, aux importations asiatiques, moins chères. D’autre part parce que, en considérant un salaire moyen mensuel de 300 euros, les automobilistes algériens continuent d’être friands de pièces asiatiques. Enfin parce que, dans le sillage de pièces asiatiques honorables se trouvent bien souvent de véritables contrefaçons.

Ici, la marque de turbo Garrett devient alors « Barrett » ou « Garut ». Un fléau face auquel Honeywell, justement, ne fait aucun compromis. « C’est un travail et un engagement constants. Dans chaque pays, nous supportons et contribuons à toutes les actions des autorités locales tendant à lutter contre ce fléau. Par exemple, plus de 50 raids anti contrefaçon ont été menés en 2015, notamment en Chine, générant la destruction de plusieurs milliers de turbos, de lourdes amendes et des peines de prison ferme pour les contrefacteurs », explique Clément de Valon.

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Mais la manière sans doute la plus efficace pour enrayer le développement des produits asiatiques réside sans doute dans la communication. Celle du réparateur d’une part, et celle de l’automobiliste, d’autre part. Arguments chocs : opposer à l’argument prix d’un produit contrefait, son véritable coût et les vrais avantages de la pièce d’origine. Car évidemment, les produits contrefaits ne soutiennent absolument pas la comparaison en termes de performances, de rendement énergétique ou de durée de vie.

Lorsqu’ils ne tombent pas carrément en panne quelques heures à peine après leur installation, les turbos de contrefaction offrent 20 % de puissance moteur en moins, augmentent de 10 % la consommation de carburant, quand ils n’endommagent pas franchement le moteur. Bref, pour Honeywell, qui a lancé sa campagne de communication « Pourquoi parier ?» également en Algérie, un turbo de mauvaise qualité, c’est 900 euros de coûts masqués en plus. Cela donne à réfléchir…

Le règne du zéro poussière

13D’autant que le turbo met des étoiles dans les yeux des réparateurs : le parc algérien se rajeunit considérablement et le volume de véhicules turbocompressés, lui, gonfle en proportion. De fait, les interventions en rechange pourraient bien devenir de plus en plus courantes. Sans compter qu’un turbo ne se vend généralement pas de manière isolée, mais avec son filtre à air, son filtre à huile, et l’huile au grade adapté pour le moteur. Bref, de ce point de vue, le turbo est un booster de ventes additionnelles, donc de rentabilité. CQFD. D’où l’urgence à professionnaliser les ateliers.

Car le turbo a ceci de complexe qu’il ne supporte par les approximations de montage ou les ateliers poussiéreux. C’est pour cela que les grands équipementiers présents avec leurs produits sur le sol algérien partent évangéliser, documenter, former, des réparateurs toujours plus enclins à se professionnaliser. Certes, aucun d’entre eux n’a, pour l’heure, de velléités d’installer des ateliers spécialisés sur le sol algérien. Mais la documentation, elle, est légion.

L’idée : rendre l’information, même la plus technique qui soit, accessible à tous. « Nous avons des documents très explicites sur le sujet du turbo, à savoir des notices de montages et des préconisations. Nous souhaitons également former les équipes commerciales à vendre et à conseiller leurs interlocuteurs. Il convient de toujours garder en tête que le turbo n’est pas une boîte avec une référence, c’est une pièce très technique ! », souligne Eric Coquet.

De son côté Honeywell met à disposition de chaque acteur de l’IAM des outils simples et intuitifs accessibles en ligne via le site garrettbyhoneywell.com : catalogue, vidéos d’installation et d’assistance au montage et documents visuels des « best practices » d’installation. « Nous nous sommes inspirés des notices de montage « style Ikea », pour avoir le moins de texte possible et le plus d’images. De tels outils sont puissants et sont sécurisants pour un atelier qui aurait une connaissance limitée de la rechange turbo. Ce sera aussi un des rôles clefs de notre réseau GAC que de transmettre et de former le réseau des installateurs IAM », précise Clément de Valon.

Le CHRA vraie alternative ou pétard mouillé ?

D’autant qu’un nouveau phénomène émerge, aujourd’hui, avec la réparation partielle, pour des raisons économiques sur les voitures de plus de 10 ans. Une nouvelle offre est donc née et réparateurs et petits spécialistes se mettent désormais à réparer avec l’achat d’un CHRA. Sous cet acronyme signifiant Center Housing Rotary Assembly se cache une solution low cost que les équipementiers ne voient pas nécessairement arriver d’un très bon œil tant le CHRA, en termes de qualité, aurait tendance à se rapprocher dangereusement d’un mauvais turbo adaptable ou en échange standard !

10Certes, le procédé pourrait avoir du sens sur les turbos classiques de type « wategate » ou « free floating » conçus pour les gros moteurs diesel couvrant des applications telles que l’équipement minier, les groupes électrogènes, les locomotives, ou encore les applications marines. « Mais pour ce qui est des turbos à géométrie variable, nous sommes opposés à cette pratique, insiste Clément de Valon. C’est certes une solution bon marché mais vraiment « Quick & Dirty » pour le propriétaire du véhicule.  Sans passer le turbo sur des outillages de « flow bench », de VSR et d’équilibrage, il est impossible de rendre le turbo conforme aux spécifications des constructeurs. Cela mettrait clairement le véhicule hors des normes en termes de puissance, de couple et d’émissions. C’est aussi prendre un vrai risque sur la durée vie du turbo et du moteur. Disons-le, c’est une solution low cost où le conducteur n’en a pas pour son argent ! ».

D’autant que si le CHRA se pratique un peu pour certaines applications, ce n’est encore pas le cas sur les applications récentes…et encore moins en Algérie, les intervenants ne bénéficiant pas de machines permettant de contrôler l’équilibrage en amont, ni de vérifier le sourcing, souvent asiatique, des pièces.

Les défis du turbo

Si le turbo, sur le marché de la rechange algérien, n’en est qu’à ses balbutiements, les équipementiers de renom, d’ores et déjà présents sur le marché sont, eux, en perpétuelle remise en question. Car en Algérie comme partout ailleurs dans le monde, les évolutions technologiques gagneront le turbo. Certaines auront une incidence directe sur les marché du Maghreb, d’autres moins. Mais autant faire preuve, un minimum, d’anticipation. Certes, la technologie thermique est encore pour longtemps la solution la plus efficace économiquement mais il y a fort à parier qu’elle subisse de profondes mutations.11

Ainsi, en Europe les normes environnementales, à l’instar de Euro 7 vont vraisemblablement conduire à une forte hybridation des moteurs, combinant solutions thermique et électrique. Pour Clément de Valon : « Nous n’avons plus vraiment le choix.  De ce point vue Honeywell prend maintenant des positions stratégiques dans l’électrification et le développement du E-boosting. Nous voyons également le diesel devenir de plus en plus technologique, créant une barrière technique complexe à outrepasser pour les réparateurs de turbo. Enfin, nous sommes au seuil d’une révolution majeure en termes d’électronique et d’informatisation des véhicules. La tendance aux véhicules massivement communicants, connectés et autonomes demande le portage dans l’automotive de technologies dédiées à l’aérospatial civil et militaire ».

Certes, Honeywell, du haut de sa position de leader du marché voit loin et se targue de maîtriser dès maintenant ces sujets dans le cadre de sa division Aerospace. Une anticipation à long, très long terme, donc. Mais une chose est certaine, c’est que d’ici une dizaine d’années, 85 % des véhicules circulant en Europe seront équipés de turbos pour pallier à la baisse de cylindrées et aux normes antipollution. Des turbos gérés électroniquement et dont la technologie sera de plus en plus pointue. Des turbos qui feront, par ricochets, leur apparition sur le parc roulant algérien et, en toute logique, dans les garages, en rechange. Reste à savoir, pour Vege, si l’on pourra toujours rénover des turbos dans le futur. Mais, cela, c’est une autre histoire…

Honeywell lance ses GAC en Algérie

Profitant de la position de leader mondial en matière de fabrication de turbocompresseurs automobiles, Honeywell vient d’annoncer le lancement, en Afrique du Nord du réseau GAC ou Garett Authorized Center pour le marché indépendant de la pièce de rechange.

« Nous souhaitons optimiser notre offre sur les tranches 4-10 ans. Et pour cela, nous sommes en phase de déploiement de notre concept de partenaires labélisés GAC sur tout le Maghreb. Cette organisation est un franc succès en Turquie et sur d’autres territoires émergents. Nous le voyons comme un outil d’organisation et de structuration du marché. Il est la plateforme idéale pour promouvoir la pièce d’origine et la montée en compétence technique du réseau d’installateurs », explique Clément de Valon, directeur après-vente Monde chez Honeywell.

12Ainsi, Honeywell a t-il choisi deux distributeurs chargés de lancer des Centres agréés Garrett (GAC) en Algérie pour l’année 2016, à savoir Douadi Automotive et Afrique Engins. Ces derniers devront diriger la première phase de mise en œuvre du concept, et ce, en attendant que d’autres distributeurs soient sélectionnés pour une meilleure couverture en Afrique du Nord des produits et solutions de Honeywell.

Ainsi, les distributeurs Garrett disposeront d’un stock important de turbocompresseurs leur permettant de répondre à la demande et aux sollicitations de la clientèle. Et ils sont, désormais, habilités à réparer tous types de turbos, y compris les anciens modèles jusqu’aux appareils modernes dotés de roulements à billes à géométrie variable. Sans compter que l’équipementier entend déployer, avec ses partenaires locaux, les Turbos Clinic Days dont le but sera de former les équipes commerciales, mais aussi leurs clients, aux best practices du diagnostic et au montage du turbo…

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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