Le moteur en forme de puzzle

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Parce qu’en Algérie, on ne change pas, on répare, le marché de la pièce moteur se porte plutôt bien. Merci. La preuve, on y change de tout, même du piston ce qui, en Europe, est loin d’être le cas.

En matière de pièces moteurs, le marché algérien est gourmand, très gourmand. On y vend et y achète de tout : pistons, segments, coussinets, chemises, pompes à eau et à huile, vilebrequins, culasses, arbres à came. « On y vend aussi, ajoute Régis Serrano, Directeur général de MS Motorservice France, de la soupape moteur, qui représente le gros du marché et, dans une moindre mesure, des blocs moteurs pour poids lourds ». Bref, en Algérie, les pièces moteurs sont présentes, à égalité, en VL et en PL. Bien. Forcément, les équipementiers sont nombreux sur ce marché. Côté véhicules légers, ce sont en premier lieu l’Allemand Mahle et l’Américain Federal-Mogul qui se disputent le marché.

« Nous vendons principalement les coussinets Glyco, les pistons Nural, mais aussi les chemises et les segments Goetze, les pochettes de joints Payen et Goetze, sans oublier les soupapes et guides AE qui font partie de notre gamme ainsi que les arbres a cames AE », déroule Lise Caron, responsable Export chez Federal-Mogul. Derrière se trouvent de grosses machines telles que Schaeffler – avec les marques LuK, INA et Fag qui englobent toute la palette des embrayages, boîtes de vitesse ou encore roulements de roue. « Sur le marché algérien, nos meilleures ventes sont les embrayages LuK, vendus en pièces détachées ou sous forme de kits proposant des solutions complètes, ainsi que les volants bimasse LuK », précise toutefois Adèle Belloche, responsable marketing Moyen-Orient, Afrique et Turquie. Puis Bosch, Delphi, VEGE, MS Motorservice (numéro 1 des pièces moteurs PL sur le marché, avec la marque KS Kolbenschmidt), etc.

MS MOTEUR SERVICE segments

Et si le marché algérien est, en la matière, l’un des premiers d’Afrique – le deuxième, pour être exact – c’est parce qu’on n’y change pas un moteur, on le répare, on le rénove. Une particularité principalement due à l’interdiction des importations de pièces d’occasion et qui, de fait, tue dans l’œuf toute velléité d’importer des moteurs en échange standard. De toute façon, en Algérie, on aime marchander, on aime réparer, on aime débusquer le prix qui fera la différence, au point d’ailleurs que, qui possède une Porsche n’ira pas forcément la faire réparer chez Porsche. Question de mentalité. Et la pièce moteur fait partie de ces éléments sur lesquels les garagistes n’hésitent pas à faire une ordonnance à son client, lui conseillant d’aller acheter telle pièce, à tel prix, chez untel, et se contentant, bien souvent, de simplement la monter. « D’où l’importance pour nous d’être toujours sur le devant de la scène même si l’on est moins concurrencé que sur certaines autres pièces, comme les balais d’essuie glace par exemple », constate Régis Serrano.

Des spécialistes sinon rien

Récapitulons : le marché est gourmand en pièces moteurs, les équipementiers de rangs 1 et 2 y sont présents en force et l’Etat interdit les importations de pièces d’occasion. Conséquence : le marché de la pièce moteur en Algérie est plus que jamais courtisé. Mais le revers de la médaille, c’est que les importateurs doivent disposer d’un stock parfois gigantesque pour palier les délais d’importation des pièces. Concrètement, chaque importateur doit disposer d’au moins 2 ou 3 mois de stocks d’avance sur les 20/80. Une logistique qui n’est pas sans conséquence sur les spécialistes, ce type d’anticipation demandant des ressources en trésorerie très importantes. Las, certains acteurs ont dû capituler et les équipementiers n’ont d’autres choix que de s’appuyer sur des professionnels locaux qui distribuent des pièces techniques à forte valeur ajoutée, les pièces moteurs demandant, de fait, d’être plutôt spécialisé sur le sujet…comme en France, en somme. Moralité : « Les importateurs, s’appuient sur des réseaux de distributeurs qui ont une excellente connaissance technique et qui vendent sur un maillage local. Ils ont généralement rarement plus de 30 clients distributeurs. La vente se fait beaucoup plus entre le distributeur et le garagiste », résume Eric Coquet, directeur général de VEGE France.

Un marché de la rénovation

Qu’on se le dise, en Algérie, le marché indépendant est Roi de la pièce moteur. Et pour cause. Plus on répare, plus on cherche de la pièce et moins on s’oriente vers les maisons, c’est à dire les concessionnaires. CQFD. Et pour cause, les moteurs du parc algérien font plusieurs milliers de kilomètres et sont plus vieux que ceux que l’on peut trouver en Europe. De fait, on répare plus que l’on ne change, ne serait-ce que parce que changer une pièce est forcément plus économique que de changer un moteur entier. Une particularité qui ouvre des portes aux fabricants de sous-ensembles. D’autant qu’en termes de moteurs neufs, les automobilistes algériens n’ont pas un choix pléthorique : « Soit ils vont vers des fabricants en échange standard comme nous, soit ils vont vers de la réparation partielle c’est à dire de la rénovation qu’ils effectuent eux-mêmes. Donc pour cela ils ont besoin de pièces de sous-ensemble donc d’équipementiers qui font de la pièce », analyse Eric Coquet. La notion « d’échange standard » n’a donc pas vraiment cours en Algérie. En conséquence de quoi certains équipementiers avouent bien volontiers réaliser plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires sur le marché de la pièce moteur. Un exemple : MS Motorservice qui y réalise son chiffre le plus important sur les pistons, segments et chemise. Pourquoi ? Simplement parce que les vieux véhicules nécessitent le changement des chemises et moteurs, puis des pistons qui sont les pièces les plus onéreuses de l’ensemble tournant…

MS MOTEUR SERVICE vilebrequin

Les marques chinoises peu sollicitées

Seulement voilà, à l’instar des stocks colossaux imposés aux importateurs, le succès de la pièce moteur a un autre revers de médaille. En effet, chacun veut grignoter sa part de gâteau. Et évidemment, les fabricants de pièces exotiques n’échappent pas à la règle. Certes, la marque a son importance. Les importateurs qui ont pignon sur rue, spécialistes de la pièce moteur pour la plupart, préfèrent, de loin, travailler avec des équipementiers dont la renommée n’est plus à prouver. « Ils recherchent ainsi la notoriété de la marque, mais aussi le packaging qui, visuellement, va tout de suite parler aux réparateurs. D’ailleurs, le fait de détenir une marque allemande offre une véritable valeur et une image de qualité indéniable », précise Régis Serrano. Ainsi, même si le marché algérien est porté sur le low cost, il n’en reste pas moins qu’il n’aime pas réellement dire qu’il a parfois recours à des marques chinoises. D’autant que la pièce moteur fait peur, le maintien et la sécurité des véhicules dépendant largement de sa qualité. Or, les marques chinoises ont ceci d’habituel qu’elles ne sont pas constantes : parfois de bonne qualité, parfois pas. Ainsi, le seul recours réel à la pièce moteur chinoise va davantage se trouver du côté des véhicules…chinois ! Car malgré la mise en place de quotas, les importations de véhicules chinois sont légion en territoire algérien.

De fait, les réparateurs auront tendance, en l’occurrence, à faire sur le moteur des réparations 100 % made in China. Exception faite des poids lourds. En effet, même un PL chinois est équipé d’un moteur allemand ! Conclusion : « Les réparateurs sont de plus en plus nombreux à vouloir monter de la pièce d’origine car ils ont eu, auparavant, beaucoup de problèmes liés aux pièces chinoises. Ils reviennent donc davantage aujourd’hui vers de la pièce adaptable mais avec des équipementiers de deuxième ou de troisième rang », précise Eric Coquet. Certes, le marché algérien continue, et continuera probablement encore longtemps, même sur un marché aussi spécifique que la pièce moteur, de distiller çà et là quelques pièces exotiques et de contrefaçon. Mais ce genre d’écueil est loin de n’être réservé qu’aux seuls marchés d’Afrique du Nord. En France aussi, certains consommateurs préfèrent acheter du prix quitte à être beaucoup moins regardant sur la qualité. D’où cette ambivalence entre ceux qui consomment du « pas cher et pas qualitatif » et ceux qui ont été échaudés et qui préfèrent faire appel aux équipementiers de renom. « Globalement, les algériens sont tout de même très animés par les marques et c’est important pour eux. A nous, équipementiers, de valoriser cela et de valoriser notre marque », assène, comme un conseil, le directeur général de VEGE France.

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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