De l’art de maîtriser le changement

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Faut-il changer ou nettoyer ? Est-il préférable d’opter pour du neuf ou de l’échange standard ? En matière de rechange, les pièces moteur fournissent un aréopage de solutions. Seulement voilà, toutes ne se valent pas. Avis d’experts.

Dans la famille « moteurs et pièces accessoires », les références sont nombreuses et pas toutes, loin s’en faut, logées à la même enseigne quand vient l’heure des réparations. Du turbo à la vanne EGR en passant par les injecteurs et la culasse, certains spécialistes sont plutôt pro-changement, d’autres n’ont rien contre un décrassage avant le remplacement complet. Tandis que d’autres encore, militent pour les produits reconditionnés à l’heure ou leurs concurrents, mais néanmoins collègues, se posent en porte-drapeau du neuf. Bref, alors que le moteur, au sens large du terme, est l’un des organes automobiles les plus recherchés en matière de pièces de réemploi eu égard au prix du neuf, les pièces de l’environnement moteur, elles, sont sujettes à différents points de vue. Et nous avons justement voulu savoir quels étaient ces points de vue ! Des spécialistes de chaque pièce ont donc accepté de prendre la parole pour répondre à deux questions fondamentales : faut-il remplacer le produit et, si oui, est-il préférable d’opter pour du neuf ou du remanufacturé ? Quelle est, in fine, la solution la moins chronophage et la plus intéressante, financièrement, pour le réparateur ? 

Le turbo vu par Elias Adjadj, Managing director de Brand Turbo

« En cas de problème sur un turbo, il faut déjà commencer par en identifier la cause sur le moteur et, le cas échéant, la réparer… Et ensuite procéder au changement du turbo. Car si cette première étape n’est pas respectée, vous pouvez être sûr que le turbo retombera en panne pour exactement les mêmes raisons que la première fois ! », explique-t-il. Pour Elias Adjadj, le turbo est l’une des pièces les plus délicates du moteur. Pièce qu’il faut donc manipuler avec égards et méthode. Du coup, il est, pour lui, impératif d’utiliser des pièces périphériques (joints, tuyaux d’alimentation d’huile, etc.) qui soient à la fois neuves et conformes au turbo d’origine. Mieux, il est préférable, pour optimiser le remplacement, de faire également un changement d’huile et de filtre à air. « Donc en prenant en compte l’ensemble des étapes que je viens d’énumérer, il est essentiel que le mécanicien-réparateur utilise uniquement des turbos neufs et non remanufacturés localement. Car si l’on ajoute à la problématique d’installation le fait de devoir identifier une panne après l’installation d’un turbo reman, cela peut prendre beaucoup de temps et être finalement peu intéressant économiquement ».

Et si le directeur de Brand Engineering insiste autant sur le remplacement d’un turbo usé par des pièces intégralement neuves, c’est justement parce que les turbos reconditionnés localement sont loin d’être soumis aux mêmes standards de qualité que ceux qui l’ont été par des équipementiers qui, eux, reconditionnent leurs turbos reman comme ils le font pour des turbos neufs, à l’instar de MS Motorservice ou de Garrett par exemple. Et Elias Adjadj d’enfoncer le clou : « En utilisant des turbos remanufacturés localement, vous courez tout simplement le risque de devoir refaire le changement rapidement, car ces turbos ne sont pas testés de la même façon que dans les usines spécialisées dans le turbo neuf. Ceci entraîne donc une perte non négligeable pour le mécanicien-réparateur ». C’est dit !

La vanne EGR vue par Guillaume Denormandie, Product and Marketing Manager de MS Motorservice France 

« Non, il ne faut pas nettoyer une vanne EGR ! », assène Guillaume Denormandie. Ceux qui pensaient pouvoir simplement passer un coup de chiffon sur la pièce, passez votre chemin !  Pourquoi ? Simplement parce que le dépôt qui se forme, à l’usage, sur les vannes (la calamine) les encrasse, et ne peut pas disparaître d’un coup de baguette magique, même dans les mains expertes d’un mécanicien-réparateur. « La vanne peut éventuellement passer par un process de reconditionnement à condition que toutes les pièces soient reconditionnables. Par exemple, nous avons des vannes EGR Reman sur les grandes ventes mais uniquement sur celles qui peuvent encore être remanufacturées, car aujourd’hui les vannes sont scellées avec le refroidisseur. Il n’est donc pas possible de les reconditionner. Pour les changer, une seule solution : opter pour du neuf », explique Guillaume Denormandie. 

De fait, aujourd’hui, les ventes de produits remanufacturés en vannes EGR se situent sur un ratio de 1 à 100 par rapport à un produit neuf.  Une paille, donc. Au point que dans son catalogue produits, MS Motorservice propose environ 600 références de vannes EGR dont « seulement » une centaine remanufacturables. Moralité : « Nous conseillons de changer autant que possible pour du neuf d’origine avant tout ou pour une solution manufacturée selon l’état de l’art, quand elle existe ».  

Quant à savoir ce qu’il y a de plus intéressant pour le réparateur, tout dépend s’il veut être embêté ou pas ! « Beaucoup se disent qu’ils vont mettre une copie pour faire baisser la facture mais comme il s’agit là d’un produit sensible et qu’il faut au final le re-démonter, c’est du temps perdu. A priori, une vanne EGR neuve, c’est moins de marge qu’une solution Low Cost mais le réparateur achète sa tranquillité. Car un module EGR c’est environ cinq heures de main-d’œuvre, donc quand il faut qu’il recommence à ses frais, l’opération n’est finalement pas si bénéfique. De toutes les façons, sur les organes de gestion de la dépollution en général, il est préférable de faire attention à ce que l’on achète, parce que faire des économies à tout prix et faire de la marge, cela peut se retourner contre vous. Donc la préconisation c’est le changement du neuf ! ».

La culasse vue par Sergio Marti, Directeur Commercial de AMC 

Depuis le début des années 2000, nous assistons dans l’industrie automobile à la tendance du downsizing, tendance qui vise à augmenter les performances du moteur à combustion, à réduire le poids des véhicules, et réduire la consommation de carburant. Dans le sillage du downsizing, toutes les caractéristiques des pièces de l’environnement moteur sont devenues plus exigeantes et techniques. La culasse n’échappe pas à la règle. De fait : « Bien qu’il soit possible de nettoyer, planifier et monter l’unité défectueuse, il est difficile de garantir qu’elle sera conforme aux spécifications techniques d’origine en raison des marges étroites des spécifications. De même, il n’est pas possible de garantir sur la partie utilisée l’état et/ou la durabilité des conduits de refroidissement internes au niveau des futures fissures ou de la fatigue thermique des matériaux résultant de l’utilisation. Le niveau de garantie offert et la protection qu’il confère au consommateur lors des réparations impliquent que celles-ci soient effectuées de la manière la plus efficace possible, tant pour l’utilisateur que pour son fournisseur, l’atelier, qui ne doit pas risquer le coût d’une éventuelle garantie, impliquant, outre la culasse elle-même, les pièces nécessaires à la réparation telles que les joints, les poussoirs, les soupapes, les éléments de distribution… et toute la main d’œuvre nécessaire à la réparation », explique Sergio Marti.  

Évidemment, comme pour le moteur lui-même et la plupart des pièces environnantes au moteur, il existe un marché pour les culasses reconditionnées. AMC propose d’ailleurs une alternative Aftermarket à la pièce d’origine et à la pièce rénovée : une nouvelle culasse, fondue et usinée par AMC, conforme à la norme IATF / TS 16949 exigée par les constructeurs automobiles.

Neuf, réparé ou remanufacturé ? Là encore, tout est question de calcul : « D’un point de vue technique, la récupération d’une culasse usagée présentant un défaut quelconque ou une éventuelle fatigue thermique des matériaux est, à long terme, beaucoup plus coûteuse en termes de prix et de temps. En d’autres termes, si un client doit réparer son moteur, il donne la priorité avant tout au temps de réparation estimé et au coût de la réparation. La réparation d’une culasse usagée, a priori, peut sembler l’option la plus économique par rapport au montage d’une culasse neuve, mais d’autres facteurs doivent être pris en compte comme la garantie et le temps investi dans la réparation du véhicule, sans compter les petites difficultés qui peuvent survenir lors de la réparation de la culasse et qui augmenteront inévitablement le coût de la réparation et le temps d’attente du client pour la disponibilité de son véhicule ». 

L’injecteur vu par Bosch

« Plus de la moitié des moteurs thermiques homologués en 2023 seront équipés d’injecteurs essence haute pression (GDI) », affirme Bosch. Cette technologie, déjà employée sur les moteurs hybrides devraient faire florès sur les nouveaux véhicules. Pour répondre dès aujourd’hui aux futurs besoins de la rechange sur ces produits, Bosch a lancé, en fin d’année dernière, une nouvelle gamme d’injecteurs essence haute pression HDEV6. L’équipementier allemand déploie également en parallèle plusieurs outils dont son logiciel de diagnostic en ligne ESItronic 2.0, ainsi qu’un kit d’outillages ad hoc. Élégamment baptisé « BTG 5120 », ledit kit comporte des pinces spéciales, des mandrins d’assemblage et des manchons d’étalonnage. L’idée : permettre aux garagistes de remplacer facilement bagues et joints d’étanchéité de la chambre de combustion. Une vidéo a, en outre, été réalisée pour aider ces derniers à démonter et  installer les injecteurs. Cette opération d’entretien est notamment prescrite dans les cas de nettoyage par ultrasons qui évite de changer l’intégralité de l’injecteur.

En outre dans le neuf, l’injecteur a aussi ses marchés dans les domaines de l’occasion et de l’échange standard. Mais, attention, les deux ne se valent pas. Si un injecteur en échange standard, reconditionné selon des procédés industriels rigoureux et conforme à l’origine bénéficie d’une garantie, un injecteur d’occasion, lui, n’est pas soumis à la même logique. Ici, point de garantie si le vendeur en a décidé ainsi. Et le risque, donc, que le remplacement soit vain au bout de quelques kilomètres…

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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