C’est un fait : de l’Algérie au Maroc en passant par la Tunisie, tous les pays du Maghreb ne se valent pas en matière de pneumatiques. Chacun sa façon de gérer ses approvisionnements en fonction de ses contraintes administratives, de son parc ou bien encore de ses possibilités de production locale. Sur ce dernier point justement, seules deux entreprises fabriquent aujourd’hui des pneumatiques sur les territoires d’Afrique du Nord. L’une, Iris Tyres, implantée en Algérie et spécialisée dans les pneus à destination des véhicules de tourisme, et l’autre, Prometeon Tyre Group, située en Égypte, dédiée spécifiquement à la fabrication de pneus destinés aux secteurs industriel (transport de marchandise et de personnes), agri et OTR. Le Maroc et la Tunisie, eux, ne disposent pas d’usines de fabrication locale.
La fabrication locale : une solution pour contrer la concurrence low cost…
Pourtant, l’exemple d’Iris Tyres pourrait faire des envieux sur un marché aussi disputé que celui des pneumatiques. Car la particularité du marché algérien est qu’il est détenu, dans sa grande majorité, par les pneumatiques low cost, souvent asiatiques. Comme l’explique Fabrice Reymond, Directeur général de Pneurama : « L’Algérie est envahie de pneus chinois de basse qualité puisque cela représente 80 % des pneumatiques présents sur le territoire ». Moralité, une usine de production locale permet, a minima, de faire écran à ce déferlement de produits non seulement venus d’ailleurs, mais de qualité ultra médiocre. Pour s’imposer face à cette concurrence un brin démesurée, Iris Tyres n’a pas fait les choses à moitié. Bâti à Sétif, le complexe industrielle du fabricant algérien s’étend sur une superficie de 5,5 hectares et a une capacité de fabrication, pour l’heure, estimée à 2 millions de pneus légers, utilitaires et semi lourds par an. A horizon 2023, Iris envisage de faire grimper cette capacité à 4,5 millions de pneus. Sur le site du fabricant, la philosophie de l’entreprise est clairement affichée : « Le complexe est un concentré de technologie au point de parler même « d’Usine Intelligente ». Un système d’information et de gestion (MES) très développé et des logiciels ont été mis en place afin de gérer à l’instant T tout flux d’information et d’assurer une traçabilité et une fiabilité des données et des produits. Le projet de l’usine regroupe plusieurs partenaires technologiques étrangers, en l’occurrence Allemagne, Italie, Finlande et les États-Unis dans le but de bénéficier du transfert de technologie et du savoir-faire. Le produit Iris est un produit fait par les Algériens en intégrant une technologie et un savoir-faire européen avec des normes mondiales. Le design conçu se caractérise par un meilleur confort, une haute résistance au roulement, une meilleure absorption de vibration et un niveau de bruit réduit. La qualité ainsi que les normes et certifications obtenues par la marque et ses produits n’ont fait que confirmer que le pneu Iris Tyres est un pneu premium qui a sa place parmi les grands du secteur ». Moralité, le fabricant algérien exporte dans une douzaine de pays près de 800 000 pneus, tout en mettant sur son marché local, 1,2 millions d’unités. Avec un parc roulant de plus de 6,5 millions de véhicules, la fabrication locale est, certes, loin de pouvoir subvenir aux besoins annuels du pays en matière de pneumatiques, mais elle tente, à son niveau, de contrer la concurrence exotique.
… Mais pas toujours !
Alors pour quelles raisons un pays comme le Maroc, n’a lui, pas franchi le cap ?
La première raison est purement financière ! En effet, selon Fabrice Reymond : « Aujourd’hui pour qu’une usine soit compétitive, il faut qu’elle produise 6 à 8 millions de pneumatiques par an. Le marché Marocain, lui, est à 2,5 millions d’unités annuelles. Donc, même en intégrant les usines de production automobiles, la rentabilité d’un site de production de pneumatiques au Maroc ne serait pas forcement viable. D’autant que l’investissement dans une usine de production de pneumatiques avoisine les 100 millions de dollars. Bien sûr, objectivement, il y aurait une pertinence à le faire, à la fois pour le marché local, l’intégration locale, mais aussi pour l’exportation vers l’Europe puisque la proximité entre les deux continents donnerait un sens en termes de coûts logistiques ». Autre frein au développement d’une usine locale : la ventilation du pneumatique. Globalement en effet, à l’inverse total du marché algérien et, plus largement, de tous les pays d’Afrique du Nord et d’Afrique, le marché marocain n’est absolument pas colonisé par les pneumatiques chinois. En cause des droits de douane exorbitants pour les produits venant de la Chine en comparaison de ceux exercés pour les produits européens ou turcs. Un pneu venant de Turquie ou d’Europe peut entrer dans le Royaume avec des droits de 0 %. Un pneu chinois, lui, est taxé à 40 %. Ajoutez à cela des frais de transports atteignant des sommets depuis le début de la crise sanitaire et le cours inflationniste du dollars et vous obtenez de quoi refroidir même les plus téméraires des importateurs chinois. Moralité, le marché du pneumatique au Maroc se partage entre pneus turcs (environ 50 % des pneumatiques tourisme) dont la moitié est de bonne qualité et le reste est considéré comme « médiocre », et de pneus européens de marques premium telles que Pirelli, Michelin ou Continental. In fine, 70 à 80 % des pneumatiques importés au Maroc sont de qualité Premium ou de bonne qualité. De fait, pour Fabrice Reymond : « Le marché Marocain, c’est sa particularité, ne ressemble à aucun autre marché africain. Il se rapproche plus, dans sa structure, des marchés français, espagnol, italien, ou allemand. La différence se fait dans le mixe produit puisque dans nos pays, on trouve principalement du pneu été sur deux petites dimensions. » Et là encore, le Maroc fait bande à part puisqu’il est de plus en plus souvent demandeur de pneumatiques de très grosses dimensions. Un marché, donc, à mi-chemin entre l’Afrique et l’Europe. Ambre Delage