Souffler le chaud et le froid

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Ultra concurrencé, oscillant sans cesse entre premium et low cost, mettant le paquet sur l’un pour mieux délaisser l’autre… le marché du filtre, en Algérie, souffle en permanence le chaud et le froid. Le point sur un marché porteur qui ne cesse de progresser.

Globalement, le marché du filtre en Algérie est un marché ultra concurrencé. Nombre d’opérateurs y sont présents, certains ne rougissant pas à l’idée de partir à sa conquête en pratiquant des prix agressifs. Entre les équipementiers de renom, les marques chinoises qui continuent de sévir, ne respectant, dans la foulée, aucune des normes en vigueur, et une production locale, certes limitée, mais existante…le marché algérien de la filtration a de quoi donner, à première vue, le vertige. Certes, pour Catherine Pacco, Chef de zone Algérie pour Mahle : « Le marché algérien est clairement un marché porteur où la courbe de croissance est en progression ». Un marché quasi manichéen sur lequel le low cost se dispute aux marques Premium. Mais en réalité, quatre acteurs – dont Mahle justement – se disputent le marché qualitatif, sans oublier, bien sûr, des constructeurs de plus en plus actifs sur la filtration via des forfaits de réparation de plus en plus fréquents.

Des marques par centaines

Avec plus de 6 millions de véhicules en circulation, dont des modèles venus d’Inde ou de Chine, évidemment, le marché de la filtration a de quoi attiser les convoitises. Car, qu’on le veuille ou non, les filtres, qu’ils soient à huile, à carburant, à air ou d’habitacle doivent être changés régulièrement. De fait, le filtre fait le grand écart entre les véhicules anciens et les véhicules récents ce qui donne lieu à un marché sur lequel des centaines de marques cherchent à avoir leur part du gâteau. Des marques parfois confrontées aux obstacles administratifs ambiants comme, par exemple, des blocages de liquidités par la Banque centrale ou encore une nouvelle politique d’étiquetage qui a obligé les acteurs de la filtration, entre autres, à revoir leurs copies. Une situation ubuesque qui met souvent les distributeurs dans l’embarras et qui obligent les équipementiers à dépenser des sommes astronomiques pour être présents sur le marché. Et pourtant, côté produits, donc, on trouve de tout sur le marché de la filtration en Algérie. Par exemple : « Des chinois qui cassent le marché en important jusqu’à 4 millions en 4 fois, des filtres conditionnés dans les pires conditions, ce qui aboutit à des prix de filtres à un euro ! Certes, il y a un marché pour cela, notamment pour les vieilles voitures. Il y a peu de références mais elles sont présentes en grande quantité. Les douanes ne nous protègent pas assez et cela passe ! Mais on laisse le filtre pour la Peugeot 405 aux Chinois ! », explique Riadh Abdelkefi directeur général Solaufil-Mecafilter.

Sogefi PFX Diesel

Beaucoup d’huile et très peu d’air

Plus de 6 millions de véhicules, donc. 55 % desdits véhicules (VL et PL) âgés de plus de 20 ans et une préférence globale pour les motorisations essence. Voilà pour le dessin du parc roulant algérien. De fait, les filtres à huile et à carburant (diesel et essence) représentent le plus gros pourcentage de filtres vendus sur le marché de la rechange. Quant au filtre d’habitacle : « Il n’est pas encore rentré dans les habitudes, souvent omis lors des vidanges (notamment pour des raisons économiques). C’est un marché où les questions de pouvoir d’achat jouent un rôle important, mais il y a une tendance réelle vers les produits de qualité », souligne Marcella Saracco, Responsable de la communication de Sogefi Filtration. Certes, si Bareche Frères arrive à vendre en Algérie des filtres à air et d’habitacle, cela reste anecdotique. Et pour cause, ces filtres-là sont davantage perçus comme des éléments de confort, pas comme des éléments vitaux pour la voiture. De fait, les automobilistes pensent éventuellement à changer leur filtre d’habitacle à l’arrivée des beaux jours et de la chaleur, à partir de Mai, en somme, et pendant l’été. Quant au filtre à air : « il ne se change pas automatiquement à chaque vidange, il est souvent juste nettoyé et utilisé de nouveau », explique Nazim Messamah, responsable Afrique pour Corteco.

Un marché de spécialistes

Dans le domaine du filtre comme pour les autres pièces détachées automobiles, le circuit de distribution reste le même. En somme, les importateurs-distributeurs dont la notoriété n’est plus à prouver (Bareche, EMSG Mansour, Ouar et consorts) revendent à des détaillants et garagistes. Malgré tout, pour Catherine Pacco : « Les principaux revendeurs de filtres sont avant tout des spécialistes (VL ou PL et/ou par marques). La vente de ce produit est également très souvent combinée avec celle de la distribution de lubrifiants ». Un constat également fait par Kaci Hamrioui, responsable export pour Mann+Hummel qui affirme que son réseau est constitué de spécialistes PL, français, allemands…mais pas par des généralistes. « Ceci étant, poursuit Kaci Hamrioui, nous voyons en Algérie l’émergence de nouveaux canaux de distribution pas forcément structurés. Les fast fitters sont en pleine progression avec l’apparition des grandes enseignes européennes, Midas, Speedy, qui mettent en place des stocks et des achètent des produits de qualité, et les professionnels, les responsables de flottes, sont davantage intéressés par le fait d’acheter un produit de qualité et de s’assurer un minimum de tranquillité ».

D’autres, enfin, choisissent, en plus du canal de distribution « classique », de s’accorder les faveurs des exportateurs, à l’instar de Mecafilter qui s’appuie sur des noms comme Genac, Soeximex ou encore Automotor. « Des exportateurs qui ont des clients différents des nôtres », précise Riadh Abdelkefi directeur général Solaufil.

Corteco ensemble 3 filtres

Low cost/Premium : deux poids, deux mesures

Si la quantité de produits proposés sur le marché est pléthorique, la notion de marque, elle, garde une véritable importance, notamment pour ce qui concerne les véhicules récents. Pour Riadh Abdelkefi : « Mecafilter est une marque reconnue, synonyme de qualité comme les autres marques Premium qu’on connaît tous. Cependant, il y a des marques qui ne sont pas connues qui font du volume de vente grâce à une politique tarifaire très attractive. Il faut donc relativiser l’effet marque. Cependant, la marque premium symbolise la garantie d’un niveau de qualité, d’une marque d’origine, des nouveautés, du marketing et l’accompagnement client ». De fait, en matière de filtres, le cœur du marché balance entre les marques Premium, gage de qualité et d’accompagnement du réparateur, d’une part. Et les marques dites « exotiques », à la qualité inégale. Dans la balance : le prix, évidemment. « La recherche du prix le plus bas, quelle que soit la qualité, reste néanmoins une composante importante du marché. Oui, il existe aussi des filières et un marché pour des produits très économiques, pour lesquels seul le prix compte, au détriment de la qualité, du fait des préoccupations de pouvoir d’achat. Même si acheter un filtre bas de gamme est un mauvais calcul, puisqu’il faudra le changer plus vite », analyse Marcella Saracco. Et même si la totalité des équipementiers présents en Algérie constatent que le marché du Premium croît de manière non négligeable, il faut bien répondre à la demande des clients. De tous les clients. « L’Algérie a toujours été un marché tourné vers la qualité, seule la diminution du pouvoir d’achat oblige les automobilistes à aller chercher des filtres à moindre coût. Il est clair qu’ils préfèrent demander le filtre d’origine monté, au départ, dans le véhicule », constate Catherine Pacco.

Ceci étant, les marques Premium vont davantage intéresser les automobilistes qui possèdent un véhicule âgé de moins de 7 ans et qui désirent, de fait, un produit de qualité fabriqué par un équipementier de première monte, histoire de s’assurer un minimum de tranquillité et de sécurité. Or, en Algérie, le mécanicien dispose presque de l’aura d’un médecin : il choisit les filtres, il est prescripteur. Du coup, lorsque le véhicule à équiper est plus vieux, le choix a tendance à se porter plutôt sur des marques low cost. Une logique qui vaut pour toutes les pièces de rechange, pas seulement pour le filtre. « Il faut répondre à la demande de tous les clients, ceux qui recherchent la qualité et ceux qui recherchent le prix (c’est la même logique sur toutes les pièces). La plupart des importateurs possèdent au moins deux marques afin de satisfaire tous les clients. De fait, les filtres chinois ont encore cours sur le marché, même si cette période est un peu révolue. C’était la mode il y a quelques années mais le consommateur final est revenu vers le filtre européen, de qualité. Il y a plus d’avantages à importer des filtres européens : pas de droit de douane, disponibilité plus rapide, coût de transport réduit… Au final, les leaders sur ces deux marchés sont des marques premium et européennes », conclut tout de même Nazim Messamah.

Un remplacement frénétique ou inexistant

Si le marché algérien du filtre se professionnalise de plus en plus et que la qualité, elle aussi, est de plus en plus plébiscitée, les rythmes de changement des filtres, eux, ne sont pas toujours en phase avec les recommandations des constructeurs. Pas parce que les filtres sont moins changés, mais au contraire parce que les conditions de roulage, la chaleur, la poussière l’état des routes, ou encore, la qualité parfois médiocre du carburant, poussent les réparateurs à accélérer parfois le rythme de changement des filtres ! Ainsi, les taux de rechange des filtres à huile et des filtres à carburant sont entrés dans les mœurs avec un peu plus de régularité. De fait, d’après les chiffres constatés par Mahle, le filtre à huile est changé en priorité, toutes les deux ou trois vidanges, en moyenne, pour les véhicules (VL et VUL) supérieurs à 10 ans et selon les spécifications du constructeur pour les véhicules inférieurs à 10 ans. Le filtre à essence sera, quant à lui, changé, en moyenne, tous les 40 000 à 50 000 kilomètres, tandis que le filtre à gasoil sera changé tous les 30 000 à 45 000 kilomètres. Idem pour le poids lourd dont les changements de filtres à huile et à carburant s’enchaînent à un rythme soutenu : tous les 10 000 à 20 000 km pour les PL supérieurs à 10 ans (25 000 à 30 000 km pour ceux qui sont inférieurs à 10 ans) pour ce qui concerne le filtre à huile, et trois fois par an pour le carburant.

PURFLUX LOGO

Parents pauvres du marché de la filtration, les filtres à air et à habitacle, eux, ne sont pas soumis au même traitement. « Ces filtres ci sont beaucoup moins entrés dans les habitudes. Surtout le filtre d’habitacle. Or, en dehors de l’effet négatif sur la santé, le non changement du filtre d’habitacle s’avère pour le professionnel un manque à gagner évident. Mais le réparateur ou l’agent hésitent encore à le préconiser à cause du prix, préférant parfois changer, selon les préconisations du constructeur, un filtre à gasoil qui peut encore tenir 10 000 km plutôt que de repousser ce remplacement, et proposer le filtre à habitacle, rarement évoqué », explique Catherine Pacco. Las, sur un VL, un filtre à air ne sera changé en moyenne qu’une fois par an pour les véhicules de plus de 10 ans (toutes les deux vidanges pour les moins de 10 ans). Le filtre d’habitacle, lui, suit les aléas des saisons pour être changé, bon an, mal an, une fois dans l’année sur des véhicules récents…et beaucoup plus rarement, voire pas du tout sur des véhicules de plus de 10 ans. Même son de cloche du côté du PL…

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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