Francis Louis, Directeur Business PR, Groupe Renault

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« En après-vente automobile, nous sommes entrés depuis des années dans une logique commerciale et de qualité de services. »

Comment se compose le réseau Renault en Algérie, et plus généralement la présence du Groupe Renault ?

Groupe Renault en Algérie agit d’abord comme un importateur des véhicules Renault dans ce pays, en tant que filiale du groupe. Concessionnaire, en fait, Groupe Renault anime, en parallèle, un réseau d’agents, au nombre aujourd’hui, de 70, sur tout le pays, avec lequel il est partenaire. Sur le plan des pièces détachées, les agents fonctionnent comme des concessionnaires en France et bénéficient de notre forte couverture.

En effet, depuis 10 ans, Renault affiche sa position de leader en termes de ventes, depuis que le marché automobile a pris son essor, en réalité, et ouvre, grâce à la composition du parc roulant, un énorme potentiel à l’après-vente. Le client, globalement devant être dans les dix ans, fidèle au constructeur, même si cela est surtout plus conséquent les trois premières années. Nous travaillons sur un parc de plus de 600 000 véhicules Renault et Dacia à l’heure actuelle.

Vous avez étudié nombre de marchés après-vente, comment qualifieriez-vous celui d’Algérie ?

Le marché de l’après-vente en Algérie se révèle très particulier. Comme dans tous les pays, c’est le client qui décide de l’établissement où il se rend pour son après-vente, mais ici, il se montre très volage rapidement. Il reste dans le réseau constructeurs dans les deux premières années et soit il part rapidement vers le « do it yourself », en famille ou entre amis, soit il rejoint des petits garages, plus ou moins officiels.

Du coup, s’est mis en place, en parallèle tout un business complémentaire. Si je devais donner une estimation chiffrée, je dirais que 25 % des clients viennent dans le réseau constructeurs et 75 % à l’extérieur, et nous parlons, ici de véhicules récents. L’Algérie n’est réellement pas un pays de garagistes de marque, et compte des milliers de personnes qui réparent des véhicules dans tout le pays.

Pourtant les conditions climatiques amènent les automobilistes à s’occuper davantage de leurs véhicules qu’en Europe, par exemple ?

2Assez logiquement, a priori, tous les facteurs sont réunis pour que l’automobiliste algérien s’éloigne du réseau de marque ! Il le juge trop cher, soit en pièces, soit en main d’œuvre, et comme l’entretien de son véhicule s’avère plus important qu’ailleurs, il cherche des solutions les moins onéreuses possibles. En plus d’un kilométrage moyen annuel de 20 à 25 000 kilomètres, il doit aussi effectuer un entretien tous les 10 000 kilomètres, en raison des routes difficiles, et des conditions climatiques rudes.

Paradoxalement, alors qu’un business s’est installé pour accueillir ce client en quête de prix, phénomène spécifique à l’Algérie, ce même client est attiré par la Pièce d’Origine Constructeur, une pièce de marque et de qualité (du constructeur ou du fabricant d’origine). En France, le client qui quitte le réseau de marque pour chercher un prix ne se soucie pas vraiment de la pièce d’origine. Sans doute faut-il chercher dans cette recherche des algériens de la pièce de qualité, un historique d’importation de pièces de mauvaise qualité et de mauvaises surprises !

Et pourtant, les offres sont pléthoriques ?

Paradoxalement, en effet, malgré ce désir de bénéficier de pièces de marque, constructeur ou fournisseur, on trouve des pièces de seconde catégorie, de l’adaptable, du chinois, du turc, du contrefait, en vente sous le comptoir de certaines officines avec des catalogues ! Ce qui rend notre travail plus difficile, car nous devons expliquer pourquoi nos prix sont plus chers, qu’est-ce que le positionnement premium avec la Qualité Constructeur, et communiquer sur le fait que la pièce que nous vendons est la même que celle qui est installée, à l’origine, sur le véhicule, et assurera donc la même garantie de qualité et de sécurité. Ceci explique que ma mission consiste à concevoir de nombreuses actions commerciales – ce n’était pas vraiment fait auparavant, et à communiquer tous les mois pour faire passer ces messages. Nous avons mis en place des forfaits de plusieurs types à des prix attractifs, tout en garantissant la qualité.

Nous vendons la révision Renault (on appelle cela la révision vidange), à savoir changement huile et filtres à huile avec 20 points de contrôle dans le cadre d’un forfait adapté à une clientèle Symbol et Logan dont le pouvoir d’achat est plus limité. La révision avant la création de ces forfaits s’élevait entre 10 et 15 000 dinars (cela comprenait aussi d’autres pièces comme le filtre à air, à gasoil et habitacle, etc.), ce qui était disproportionné au regard du pouvoir d’achat.

Nous avons travaillé avec notre réseau pour diminuer les coûts globaux en modifiant le programme d’entretien et en réduisant le nombre de pièces à changer tous les 10 000 km. Le filtre à air sera changé une fois sur deux, par exemple, etc. A charge pour le client de prendre des options en plus et de choisir dans la panoplie de forfaits que nous proposons.

Quels sont les résultats que vous observez après quelques mois de forfaits ?

3Indiscutablement, nous retrouvons de la clientèle et ramenons des véhicules dans les ateliers. En outre, ces forfaits de base s’accompagnent d’offres complémentaires, ce qui permet à l’automobiliste de faire son choix en connaissance de cause. Dans le forfait de base à 3890 dinars, nous avons réintroduit la 15W40 ELF en huile (les moteurs, ici, étant plus standards) mais le client peut monter en gamme et prendre le deuxième niveau à 4990 dinars avec de la 10W40 ELF, plus performante, et seulement 1100 dinars en plus.

En outre, dans le réseau, les clients ont pu voir, affichés, des prix de vidange simple à 2 900 dinars, ce qui participe à casser l’image de cherté du réseau de marque. Dans la même logique, nous venons de lancer le forfait freinage à partir de 4 900 dinars. Nous nous serrons la ceinture, le réseau aussi (car c’est la même pièce que sans forfait) mais nous retrouvons notre clientèle dans les ateliers, nous fidélisons et pouvons proposer d’autres services. Et pour nous, c’est aussi une satisfaction de voir des véhicules Renault bien entretenus et pas bricolés. Nous poursuivrons avec d’autres forfaits en construction comme disque de freins, amortisseurs, kits distribution, etc.

Qu’est-ce qui vous a poussé à aller dans le sens d’une reconquête, d’une politique de fidélisation ?

Si nous n’avions pas bénéficié d’un bon réseau, cela n’aurait eu, en effet, aucun sens. Mais lorsque les agents ont investi dans des locaux, des équipements performants comme ils l’ont fait, selon les normes Renault, il faut passer à la vitesse supérieure et dégager du chiffre en faisant venir les clients. La première question que l’on doit se poser, quand on dispose d’une bonne image, d’un show-room attractif et de structures d’accueil soignées, c’est pourquoi le client ne vient pas.

Notre travail consiste, aussi, à accompagner les membres du réseau dans l’accession à la rentabilité. Et la problématique du prix s’est révélée tout de suite dans les ateliers mécaniques comme dans la trentaine de carrosseries que nous avons en Algérie (le plus gros réseau du pays). 

Vous évoquez la qualité de votre réseau, êtes-vous satisfait également de son maillage ?

Nous détenons un bon niveau de couverture service aujourd’hui, avec 70 agents. Nous avons nommé, récemment, il y a quelques mois, 6 nouveaux agents et ouvert la succursale d’Oran (reprise d’un agent), ce qui porte à 3 le nombre de nos succursales, 2 à Alger et une à Oran. Et globalement, dans notre logique vente et après-vente, la couverture est bonne. Cependant, et pour différentes raisons, certains agents éprouvant des difficultés de gestion, que les nouvelles règles d’importation ne facilitent pas, nous serons amenés à recruter, mais en remplacement, pour ne pas perdre des zones (comme à Sétif dernièrement, par exemple) et non dans l’objectif d’accroître le réseau. Le réseau bouge bien en Algérie.

La marque se veut toujours attractive malgré l’arrivée de beaucoup d’acteurs nouveaux ?

Nous avons fini l’année avec 35 % de parts de marché en VN, ce qui nous rend de fait, attractifs. En outre, nombre de constructeurs étant à la peine en Algérie, et contraints de réduire leur réseau, nous sommes sollicités. Ce qui nous permet de pouvoir remplacer un agent, qui préfère se retirer pour se concentrer sur une autre activité, par exemple.

Les agents exercent, en effet, souvent, plusieurs activités en parallèle, et font des choix. Ici, la majorité des agents n’est pas constituée de garagistes mais de personnes qui ont envie d’investir dans une marque

Alors, pour vous, qu’est-ce qu’un bon agent ?

Le rôle d’un agent, en dehors de l’investissement en équipement et dans la constitution d’une équipe de vente opérationnelle, consiste à mettre en place les pré requis en termes de management, de ressources humaines, d’animation, de bonne qualité de stock, d’offres commerciales, etc. Nous préconisons un certain nombre de ces prérequis comme d’installer une structure managériale, à savoir, un chef magasin pièces, un chef d’atelier, des conseillers services, des mécaniciens, du personnel que nous formons ensuite afin d’apporter le bon niveau de qualité de services aux clients. Nous préconisons aussi des niveaux de stocks PR pour assurer la bonne disponibilité et ne pas perdre de ventes. Ceux qui adhèrent remplissent leurs ateliers, les autres éprouvent plus de difficultés. Rappelons que le seul juge de paix, c’est le client, et celui-ci, au bout de deux ans, s’en va, la fidélisation est un vrai sujet, d’autant, qu’au risque de me répéter, nous nous focalisons sur le propriétaire d’un véhicule récent ! C’est pourquoi, nous avons monté une opération de « première révision offerte », pour l’achat d’une Symbol, de manière à initier le mouvement.

Pourtant, la garantie est perdue, lorsque le véhicule est entretenu en dehors du réseau la première année ?

Je vous surprendrais en vous disant que nombre de clients ne savent pas qu’ils disposent d’une garantie de trois ans sur leur véhicule, ou qu’une réparation est garantie un an, pièces et main d’œuvre ! Nous avons inséré dans les pare-soleil, un sticker indiquant cette garantie, c’est pourquoi, également, nous avons organisé la caravane après-vente dans le pays pour expliquer ce que nous apportons, parce que le lien constructeur – client avec l’après-vente n’existe pas toujours, quelle que soit la marque. Nous communiquons vraiment beaucoup pour faire comprendre les atouts de la marque, l’intérêt pour le client d’aller chez Renault, pour sa sécurité et aussi pour qu’il découvre que l’on n’est pas si cher au regard de ce que nous lui procurons. Nos forfaits entrant dans cette nouvelle politique de reconquête et d’échanges avec le client, une politique qui s’accompagne d’un renouveau de la confiance.

Il est souvent question du manque de personnel qualifié, qu’en pensez-vous ?

La question des ressources humaines se pose à tous les niveaux, comme les patrons d’affaires le disent, en regrettant d’avoir des difficultés à trouver le premier niveau de management. Certains ont ce souci pour des raisons de rémunération ou d’animation. Du côté des mécaniciens, nous éprouvons moins de difficulté parce que nous avons la chance d’avoir un catalogue de formations très complet dans le cadre de la Renault Académie. En revanche, en carrosserie, cela reste problématique, car il n’y a pas de formation carrosserie en Algérie.

Nous avons dû recruter un formateur en carrosserie, et cela s’est encore plus imposé lorsque nous avons commencé à développer notre marque de peinture Ixell et que nous n’obtenions pas de bons résultats, faute de peintres formés ! Nous faisons venir des formateurs peintre de France en plus des visites réseau de techniciens, etc.

Etes-vous confrontés aux mêmes challenges en carrosserie qu’en mécanique pour remplir les heures ouvrées ?

Le constat s’avère identique. Pourquoi le client se fait attendre dans la carrosserie ? Parce qu’il n’y avait pas d’accord avec les assurances en raison du fait que « ça ne se fait pas en Algérie ». Il y a deux ans, nous avons signé un accord avec Axa, et là nous venons de signer un partenariat après-vente avec un acteur important, la SAA (assurance d’état), nous démarrons, et déjà les clients affluent. Dans le même esprit, nous avons contracté des accords apv flottes, avec des sociétés publiques ou privées, incité nos agents à aller voir les petites entreprises locales, édité des dépliants sur « Renault Vidange Pro » en ciblant les Kangoo, Trafic et Master, avec des forfaits adaptés…

Les opportunités sont exponentielles, mais il faut bousculer les habitudes. J’ai dû, pour ce faire, reconstituer les équipes. Je réfléchis aussi à des actions tournées sur le véhicule d’occasion, qui se vend en dehors des réseaux constructeurs, comme de réaliser un contrôle du véhicule et de délivrer un certificat de bon état, par exemple, idem pour les véhicules en fin de garantie. Les opportunités d’accroître le travail en atelier sont vraiment nombreuses.

Quel regard portez-vous sur le réseau Motrio et qu’en attendez-vous ?

La marque aujourd’hui n’a pas acquis suffisamment de notoriété et s’il est vrai que, par le passé, elle n’a pas forcément bénéficié d’une bonne image, cela n’est pas justifié aujourd’hui. Quand je suis arrivé, plusieurs garages aux couleurs de Motrio existaient mais n’avaient pas été encadrés toujours comme il aurait fallu. D’où une reprise en mains progressive mais indispensable du réseau qui s’est traduite par notre présence sur Equip Auto Alger, par des actions sur le terrain et des visites de l’équipe, de manière à renouveler les échanges et rencontrer ceux qui souhaitent porter le panneau Motrio.

On augmente l’offre Motrio petit à petit avec l’huile, la batterie, les pièces Motrio et Renault et bientôt un pneu à un prix abordable etc. Nous devrions re-signer une vingtaine de contrats prochainement avec une nouvelle signalétique Motrio sur les 45 garages identifiés. L’idée étant de renouer avec des garagistes qui ont envie de travailler avec nous et de jouer la carte du partenariat ensemble, et non de chercher à multiplier les centres uniquement pour le nombre. En termes de couverture après-vente globale, cela a du sens, d’autant qu’il existe de très beaux garages Motrio qui fonctionnent très bien. C’est une bonne alternative au réseau de marque pour le client avec véhicules de plus de 3 ans.

Lorsqu’un agent Renault répare un véhicule, il dispose de pièces Renault et Motrio, mais peut-il acheter d’autres pièces ailleurs pour intervenir sur d’autres véhicules ?

Il est tout à fait libre de le faire, et peut s’approvisionner chez le concessionnaire d’une autre marque mais généralement, cela se pratique peu. Cela existe un peu plus en carrosserie avec une activité plus multi marques.

En termes de logistique, comment soutenez-vous vos agents ?

Nous disposons à la sortie d’Alger d’un entrepôt de 8 000 m² couverts. Et l’ampleur du stock nous aide, surtout depuis le début de l’année, où la situation en douane s’est très compliquée. Les délais d’attente sont longs et pénalisent les acteurs de la pièce.

Cela me gêne d’autant plus que, sachant que la logistique est capitale, mon premier travail, quand je suis arrivé, a consisté à remonter le niveau de stocks, pour arriver à obtenir un taux de service a minima de 91 % de taux de service ! Nous y serons lorsque j’aurais reçu tous mes containers mais, d’après ce que j’ai appris, nous disposons déjà du plus beau magasin PR du pays.

Les pièces Renault sont aussi disponibles pour d’autres réparateurs ?

Par définition, tout le monde peut acheter du Renault chez un agent Renault. Cependant, lorsque vous prenez en compte le fait que 75 % du business se déroule en dehors du réseau, et que ce business est énorme, vous devez allumer des pare-feu pour empêcher que l’on mette n’importe quoi sur les véhicules de la marque, les importateurs de pièces de mauvaise qualité ou contrefaites préférant s’attaquer à un gros marché qu’à un marché de niche.

Notre politique consiste à vendre de plus en plus via la revente, à savoir par le réseau, soit au comptoir, soit à l’extérieur directement auprès des Revendeurs. Nous essayons de nous placer sur ce marché pour bloquer l’importation de pièces Renault via d’autres pays, y compris en Europe, c’est pourquoi, nous soutenons notre réseau et l’incitons à mener des démarches pour vendre nos pièces en plus de leur activité atelier.

Le marché de la pièce de rechange semble très disputé, comment le qualifieriez-vous ?

C’est un marché à fort potentiel. Aujourd’hui, en dehors du réseau, sur ce marché, nous devons représenter dans les 15 à 20 %. Vu la concurrence, c’est une performance non négligeable. Et je regarde aussi la potentialité… Plusieurs négociants internationaux vendent également des pièces Renault.

Vraiment, notre objectif consiste à ce que les véhicules Renault soient équipés de pièces Renault et que nos agents déploient notre marque et accroissent leur rentabilité dans les meilleures conditions. Nous avons dépassé l’image du responsable après-vente comme « le fort en technique », nous sommes entrés depuis quelques années dans une logique totalement commerciale et de services.

Propos recueillis par Hervé Daigueperce

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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