La pièce moteur en ébullition

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Emporté par la difficulté à trouver des véhicules d’occasion, le marché de la pièce moteur en Algérie est en pleine croissance. Une excellente nouvelle pour les professionnels de la réparation qui s’appliquent à offrir toujours plus de qualité à leurs clients. Et l’arrivée des réseaux de réparation ne devrait pas contredire cette tendance. 

On le sait : le marché de la rechange automobile en Algérie est loin d’être une balade de santé pour la plupart des acteurs dont les racines se situent hors des frontières du pays. Moralité, ceux qui font du business grâce aux moteurs en échange standard sont devenus persona non grata sur le sol algérien, tandis que les acteurs du moteur neuf, eux, doivent composer avec des contraintes financières, à l’importation, devenues insoutenables. « Pourtant, assure Régis Serrano, directeur général de MS Motorservice France, c’est un marché sur lequel il faut être. Pour nous, le PL, par exemple, constitue un marché important puisqu’il y a notamment plus de poids lourds en Algérie qu’en France (900 000 contre 600 000). Et puis globalement, la part moteur est plus importante chez un distributeur algérien qu’en Europe de l’Ouest, même si l’on est quand même encore loin de la filtration ou du freinage car c’est une pièce de panne, pas d’usure ». D’autant que le durcissement des règles d’importation a eu quelques incidences positives, malgré tout, sur le marché de la pièce moteur. En effet, face à la restriction des importations de véhicules d’occasion, renouveler sa voiture, pour l’automobiliste algérien est devenu un parcours du combattant. Moralité, entre les hausses de prix des VO, leur choix limité et leur disponibilité réduite, les coûts de réparation en deviennent presque dérisoires. De fait, pour Valérie Batisse, Head of sales Northern, Western & Central Africa – Head of Africa Development de Mahle Aftermarket : « Tout cela a eu pour conséquence de faire croître, durant ces trois dernières années, le marché de la pièce moteur. Ainsi, d’après les ministères du Commerce et des Finances algériens, alors que le chiffre d’affaires du marché se situait aux alentours de 26 millions d’euros en 2016, il a atteint, en 2018, 36 millions d’euros ».

Les moteurs asiatiques en challengers

Du coup, forcément, tous les acteurs versés dans le moteur sont présents sur le marché, de Federal-Mogul à MS en passant par Mahle, ou encore NPR…chacun dans sa spécialité. Ainsi Régis Serrano précise-t-il que son activité en Algérie « se situe davantage sur le PL et le moteur stationnaire ». Sans compter que le parc automobile léger (environ 6 millions de véhicules) est encore dominé par les véhicules français, tandis que le parc PL, lui est principalement entre les mains de Renault Trucks, de Man et de Mercedes. Et Valérie Batisse d’ajouter, pour parfaire la photographie du marché : « Les distributeurs traditionnels sont toujours là mais nous voyons aussi arriver sur le terrain de nouveaux acteurs, notamment dans le PL.  Tous les groupements sont présents comme Nexus, ATR et, dernièrement, Groupauto International.  Enfin en ce qui concerne les parts de marché du pays d’origine : la Chine reste la première origine avec + 17 %, alors que l’Allemagne ne représente qu’un peu plus de 6 %. Si nous regroupons les principaux pays Européens nous dépassons légèrement les 20 % ».

C’est donc très logiquement que le moteur européen est le plus travaillé avec 60 % de parts de marché. De ce fait, poursuit Valérie Batisse : « La pièce dédiée pour le véhicule français représente la plus grosse importation. Pour ce qui concerne les moteurs coréens, en raison de leur robustesse, leurs moyennes de roulage sont les plus élevées du parc algérien.  La rénovation moteur est donc plus fréquente sur ces moteurs. Ainsi, avec un parc avoisinant les 700 000 véhicules, KIA\HYUNDAI se placent en seconde position en termes de consommation et d’importation de pièces moteur. Quant aux moteurs japonais, pour les mêmes raisons que les coréens, ils sont en troisième position avec un parc d’environ 500 000 véhicules ». Un constat évidemment partagé par l’ensemble des acteurs du marché. Leur priorité, donc, consiste à couvrir l’ensemble des applications possibles sur le parc algérien. Et ce n’est pas une mince affaire. Car si, dans les grandes villes, les véhicules récents sont de plus en plus nombreux, et que les véhicules asiatiques gagnent du terrain, dans les villages plus excentrés en revanche, les réparateurs continuent de travailler des vieilles Renault et Peugeot. « Même sur le PL, certains véhicules en parc ont 40 ans ! Du coup, il nous faut avoir des gammes qui couvrent aussi ces véhicules-là. C’est un mix à trouver entre des applications qui ont plus de 30 ans et des véhicules très récents. Le but finalement c’est d’être capable de faire le grand écart et de couvrir tous ces véhicules, ce qui n’est pas toujours facile ! », admet Régis Serrano.

Un marché qui tend vers le professionnalisme

Reste que si le marché hésite encore entre les vieilleries et la modernité, le business de la pièce moteur, lui, est bien présent. Et pas seulement la pièce moteur d’ailleurs. Car si beaucoup de réparateurs n’ont encore pas accès à tous les outils ou aux structures de travail ad hoc, si le cliché du garagiste travaillant encore à même la terre battue a la peau dure, il n’en reste pas moins que le marché tend vers plus de professionnalisme et d’expertise. Et pour cause : « Tous les groupements sont présents sur le territoire. Le marché de la réparation est en plein changement, et l’on remarque de plus en plus de garages indépendants s’affilier à des enseignes internationales de l’entretien automobile, à savoir Speedy, Eurorepar, Point S, Total Quartz Service, et bien d’autres. Ces derniers, assurent à leurs partenaires de l’entretien, des formations produits, de l’outillage spécifique et des méthodes de réparation, le management et la gestion des ateliers, et même des solutions de facilité pour l’acquisition des équipements car les investissements peuvent peser lourd sur le budget, pour l’équipement ou le rééquipement », explique Valérie Batisse.

Et pour être bien certains que cette course au professionnalisme soit couronnée de succès, les équipementiers eux-mêmes s’efforcent d’accompagner les distributeurs et leurs clients réparateurs. Ainsi Mahle met-il en place des sessions de formation en petits groupes de clients et/ou personnel de ses distributeurs afin de mieux pouvoir échanger avec eux autour des produits proposés par l’équipementier. « Nous avons pour cible également les écoles de formation technique, afin de faire passer les messages quant à la qualité des produits que nous fabriquons et que nous vendons, d’une manière générale, aussi bien en première monte/constructeurs qu’à la rechange/aftermarket », ajoute Valérie Batisse.

De son côté, MS Motorservice reconnaît volontiers que ce qui limite le marché n’est pas le manque de professionnalisme des réparateurs qui sont « techniquement très forts et avides de connaissances », mais bel et bien l’accès aux pièces. Pour répondre à cette avidité de connaissances, MS se déplace, avec des spécialistes, directement chez les clients des distributeurs. L’idée : être sur place pour permettre au réparateur de voir et toucher les pièces. « Nous proposons également des tutoriels en ligne qui sont assez techniques comme la pose de segments, etc. C’est une manière de leur transmettre le beau geste. Et puis nous nous assurons qu’ils sont bien équipés, même si le local est parfois un peu désuet… Le but n’est pas de les transformer en ingénieurs motoristes, mais de faire en sorte qu’ils aient les bons gestes », assure Régis Serrano.

Marque Premium vs contrefaçon : le marché algérien, roi du paradoxe

Un « bon geste » d’autant plus important que la notion de Premium revêt, en Algérie, une grande importance. En effet, en gagnant en professionnalisme et en voulant offrir des services de qualité, les réparateurs accordent une véritable importance à la marque. Valérie Batisse l’assure : « Il y a une vraie prise de conscience de la qualité et donc une demande importante en produits de qualité. Ce sont des conditions idéales pour le fournisseur européen que nous sommes. Nous vendons en Algérie depuis de nombreuses années déjà et, de fait, nous avons un positionnement intéressant dans ce marché ».

Et pourtant, le marché algérien de la pièce moteur est le roi du paradoxe. Car si le Premium garde toutes ses lettres de noblesse, le prix, lui, est souvent un critère déterminant dans le choix de la pièce. Du coup, comme le souligne Régis Serrano : « En Algérie on retrouve surtout de la copie. C’est un peu le folklore algérien : on veut de la marque mais on ne veut pas payer cher ! C’est un marché qui n’accepte pas le cher, comme souvent, au Moyen Orient et en Afrique du Nord ». Malgré l’appétence des réparateurs et des automobilistes pour les pièces de qualité Premium et pour les marques, le marché continue donc d’être gangréné par la contrefaçon. Au point que la plupart des équipementiers constituent des structures dédiées à l’éradication de ce phénomène. A l’instar de Mahle qui explique : « Nous sommes en contact étroit avec nos distributeurs qui nous font remonter le moindre problème et nous disposons au sein du Groupe Mahle d’une entité dédiée à la Propriété Intellectuelle, en charge de lutter contre la contrefaçon. Nos avocats veillent au grain ! Nous communiquons autour de nos produits en organisant des visites de nos usines, en informant nos distributeurs de l’arrivée à la gamme de toutes les nouveautés, en diffusant des catalogues et des communications techniques. Nous avons également beaucoup investi au niveau de l’emballage avec des étiquettes permettant de savoir rapidement si c’est un produit contrefait… Nous venons d’ailleurs de changer d’emballage ». Reste qu’entre la marque Premium et le produit contrefait, un autre paramètre devrait peut-être venir offrir un troisième choix au réparateur. Car qui dit installation de réseaux de réparations dit, vraisemblablement apparition de MDD sur le territoire algérien… à suivre donc.

  Propos recueillis par Ambre Delage

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Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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