Entre France et Tunisie, Maroc et Algérie, il ne filtre aucun commentaire Riadh Abdelkefi

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Comment se positionner face à la crise, comment penser positivement et réfléchir à l’après, le patron de Mecafilter en France et directeur commercial du groupe Misfat appelle à plus de respect dans les relations sociales, publiques et industrielles.

Ce 30 mars, Riadh Abdelkefi faisait le point sur les commandes de masques effectuées en France par ses soins pour les employés de Mecafilter et aussi pour sa commune de Crespy en Valois : « Il nous faut soutenir les plus fragiles, les plus démunis et penser aux autres. J’appartiens à un groupe solide qui a des ressources et qui pourra affronter la crise avec des dommages moins graves que les petites entreprises, pour lesquelles les conséquences peuvent être dramatiques. En outre, Je me sens solidaire de mes employés et de ma région, c’est pourquoi, un tiers des éléments de protection que j’ai commandés sera distribué à ceux qui en ont besoin, en concertation avec la mairie. Comment pourrais-je acheter des masques pour l’entreprise sans en donner aux pompiers, par exemple ? C’est impossible. Et je le ferais savoir, pour que nous soyons nombreux à agir de même. Parallèlement, je m’insurge contre le fait que les grands groupes n’aient toujours pas compris que le vivre ensemble passe par le respect des règles. Un de mes gros clients, en France, a reporté de trois mois le paiement de ses factures dues, sans même la courtoisie de me prévenir. Je comprends que des entreprises, même de belle taille, puissent avoir des problèmes de trésorerie, – l’une d’entre elles m’a appelé pour me demander un étalement et nous avons trouvé un accord en bonne intelligence – mais la moindre des politesses consiste à en parler. Face à une crise de cette ampleur, si nous ne nous respectons pas entre nous, nous ne gagnerons pas et nous aurons à subir de plus gros dégâts. Si certains usent de leur puissance pour différer les délais de paiement, c’est toute une chaîne de valeurs qu’ils remettent en question, en créant des problèmes qu’ils ne soupçonnent pas, en ne permettant pas aux plus petits de survivre. »

Réfléchir à l’avenir

Pour Mecafilter, le constat est sans appel, le chiffre d’affaires s’est effondré. Dont acte. Pourtant, l’entreprise continue de livrer et notamment le seul client, en France, dont les commandes n’ont pas baissé (un acteur majeur de la vente par Internet). Sinon, c’est l’export qui maintient l’activité ! Alors, pour arriver à satisfaire la clientèle, Riadh Abdelkefi, après une période de fermeture, a rouvert avec les conditions nécessaires à la protection de ses équipes et en profitant de la situation pour réfléchir aux demandes en cours, aux nouveaux projets et à la maintenance. Pendant que les uns, en télétravail (et via vidéo conférences), planchent sur les appels d’offre – pour l’après : « on se pose, et on réfléchit sur l’après, tout le monde est touché, il faut penser autrement », les autres s’activent à nettoyer les machines complétement, en les démontant, effectuent les révisions et chargent les camions des centrales de distribution dont les garages ont repris. Riadh Abdelkefi a déjà programmé la campagne de promotion sur les filtres à air et d’habitacle qu’il faut changer en sortie de confinement. Par ailleurs, il veille aux stocks, parce que « les français ne voudront pas acheter de voitures tout de suite, ils vont tout d’abord remettre en état de marche leurs véhicules, faire les révisions et réparer ce qui ne va pas, en espérant aller en vacances en voiture en France. Du coup, il faut que les mécaniciens aient les pièces, et parmi les premières demandées, il y a les filtres. Il suffit de voir les préparatifs de Speedy pour s’en rendre compte » (campagne de promotion, ndlr).

Une première au Maghreb : le kit filtre à air poids lourd

Malgré les problèmes logistiques, l’export fonctionne plutôt bien, en témoigne le lancement du kit filtres à air pour poids lourd et le lancement de la marque Lucas en filtres poids lourds, via Abderrezak Akroune, en Algérie. En effet, le Lucas en PL n’était pas distribué en Algérie, or pour certaines applications spéciales, le besoin était là et c’est A&M Distribution d’Abderrazak Akroune qui en profite. Le kit filtres à air s’avère malin puisqu’il associe le filtre primaire et le filtre de sécurité. Malin parce que le prix du kit est moins cher, que celui des deux séparément. Malin, parce que le réparateur n’a pas à se poser la question et dispose d’un argument de ventes solide auprès du transporteur (sans oublier l’atout sécuritaire), et malin, parce qu’en stockage, c’est beaucoup plus pratique et donc moins cher également en transport ! Et encore plus malin, parce que les deux filtres provenant du même fournisseur, ils s’emboîtent sans problème. En VL, en Mecafilter, les autres clients en Algérie poursuivent les ventes comme Salah Benkhelil ou Fayçal Douadi, etc. Du côté du Maroc, l’usine Misfat fonctionne bien et de plus en plus, l’un de ses plus gros clients, aujourd’hui, c’est l’Allemagne, Madagascar travaillant bien également (GBH). Et ne parlons, pas de la Tunisie, où le groupe Misfat est plus que leader …Ce sont d’ailleurs les laboratoires du groupe qui ont effectué les tests de conformité pour la fabrication des masques, puisque c’est le même papier ! Ils en auraient bien produit pour aider la population, si la matière première n’avait pas été réservée aux fabricants traditionnels de masques. Mais ils sont là, en réserve au cas où.

Réindustrialiser en Europe et produire au Maghreb, une piste à suivre ?

Le groupe Misfat se veut un acteur particulièrement exemplaire sur le plan de la localisation des sites industriels, en disposant d’unités de production, bien sûr en Tunisie, et aussi au Maroc et en France – pour ne parler que de ceux-là. Une bonne manière d’associer les talents des uns et des autres, et leurs atouts, comme l’automatisation en France, et les coûts de fabrication en Tunisie et au Maroc, de manière à fabriquer avec la même qualité sur tous les sites et d’être très compétitifs. Aussi, quand on évoque une possible relocalisation des industries européennes – qui s’étaient égarées en Chine, vers l’Europe et l’Afrique du nord, Riadh Abdelkefi n’y voit qu’une illustration de ce que fait Misfat depuis l’origine. « La Tunisie est prête à faire beaucoup de choses et dispose de solides arguments pour accompagner une relocalisation des industries dans le pays. Pendant la crise du Covid-19, les ports n’ont pas fermé et la Tunisie a continué d’approvisionner en denrées alimentaires la France, par exemple. Notre pays dispose d’une capacité de réaction très vive, et a toujours misé sur l’excellence de ses universités et surtout ses écoles d’ingénieur. Si l’on ajoute des conditions optimales pour les européens, comme les exonérations de taxes et les facilités pour s’implanter dans une nation, où les coûts en termes de ressources humaines sont très attractifs, la Tunisie se présente comme un partenaire industriel idéal pour les investisseurs européens et même nationaux. Nous avons récemment, chez Misfat, investi dans une usine de fabrication de médicaments génériques et tout le monde connaît notre implication dans la production d’amortisseurs (LTM, ndlr). »

Made in Tunisia : le public doit suivre !

Néanmoins, les comportements d’achat sont toujours bien ancrés. Ainsi, pendant la période de confinement, les tunisiens ne se sont pas rués sur les produits tunisiens et continuent, par exemple, d’acheter des batteries Bosch alors qu’il existe plusieurs sites de fabrication de batteries en Tunisie. « Pour nous, précise cependant Riadh Abdelkefi, nos ventes en filtres et amortisseurs en Tunisie n’ont pas faibli, d’une part parce que nous avons des parts de marché dominantes et une image de groupe international, d’autre part, peut-être aussi, parce que les pièces d’importation étaient plus difficiles à faire venir. Mais qu’on ne se leurre pas, seule la recherche du meilleur prix (et le taux de change !) ramène les tunisiens vers des produits tunisiens. Pourtant, je suis optimiste, parce que nous avons su montrer en peu de temps, que nous pouvions, en Tunisie, répondre aux demandes d’équipements de protection contre le Coronavirus, avec des productions locales de qualité. Et soyons clair, si je prends l’exemple de Misfat, nous sommes en train de répondre à un appel d’offres lancé par un grand groupe de distribution américain (aussi pour le marché européen) et nous espérons bien l’obtenir face à des chinois : qu’est-ce qui diffère un acte d’achat auprès d’un fabricant tunisien et le même auprès d’un fabricant chinois ? Il est simplement plus facile de mesurer la qualité en Tunisie, parce qu’au final, les coûts logistiques, administratifs de la Chine, sans compter les taxes, grèvent le prix cassé des chinois. »

« Un autre facteur, par ailleurs, mérite d’être souligné », ajoute Riadh Abdelkefi, « Pour ne pas dépendre des grandes puissances chinoises, ou autres, les européens devraient s’appuyer sur des pays comme le nôtre qui ne peuvent pas, de fait, recourir au chantage quand ça leur plaît. Sinon, c’est la Chine qui décide de tout, y compris de la localisation des industries. On voit bien, dans nombre de domaines, l’absurdité du choix de l’Asie en toutes choses, lorsque des containers repartent à vide vers ce pays, après avoir inondé les marchés européens de marchandises à bas coûts. Tout cela coûte de l’argent et du temps, alors que travailler avec notre pays par exemple, est plus rapide, plus contrôlable, plus environnemental, on peut également faire transiter les marchandises par camions et pour des volumes adaptés et non imposés, petits ou très importants. Il faut vraiment se dégager, autant que faire se peut de la dépendance vis-à-vis de la Chine, ensemble, Europe et Afrique réunis, pour revenir à une économie mesurée ».

Propos recueillis par Hervé Daigueperce

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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