Comprendre la loi et ses incidences

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La nouvelle loi de finances portant sur l’importation des pièces détachées (entre autres) a engendré nombre de commentaires sans que l’esprit de la loi ni, souvent, ses implications dans les process n’aient toujours bien été envisagés. Sans vouloir prendre à la philosophie ni au juridique, Algérie Rechange a souhaité aborder le sujet en prenant un cas pratique, en l’occurrence l’incidence sur le transitaire. Robert Lucchesi, patron d’ITPL, a accepté de se prêter à l’exercice. Nous l’en remercions.

120 %, 1 mois, des lettres de crédit… le dispositif mis en place pour réguler le marché des pièces détachées en Algérie est inédit ?

Deux réponses sont à apporter à votre question. Le terme d’inédit s’avère tout à fait juste pour décrire les conséquences sur les process d’importation et le désordre inimaginable que nous observons sur les expéditions. En 40 ans de carrière, je n’ai jamais vu pareille pagaille ! Cependant, le gouvernement a déjà, en de multiples occasions, essayé de contrôler les flux d’importation par différents systèmes comme les lettres de crédit, les pré-domiciliations, ou domiciliations, les franchises (…) sans obtenir totalement ce qu’il souhaitait. C’est en ce sens, qu’aller plus loin dans la démarche correspond davantage à une nouvelle étape qu’à un procédé inédit.

Il semble, pourtant, que depuis quelque temps la filière automobile soit un domaine cher au gouvernement …

Parce que nous travaillons dans ce secteur, nous pouvons le croire après la suppression progressive des importations de véhicules et maintenant la mise en place d’une procédure drastique sur les pièces détachées. En vérité, il n’en est rien. Tous les secteurs sont concernés par la nouvelle politique mise en place par le gouvernement. On pourrait citer, par exemple le secteur de la pharmacie et bien d’autres encore.

Vous évoquez la politique du gouvernement, qu’est ce qui l’anime, en réalité ?

Il n’est pas besoin d’être spécialiste pour évoquer l’objectif, d’ailleurs revendiqué, par le gouvernement lui-même, qui consiste à diminuer la facture de l’importation, qui étrangle les finances du pays et la balance commerciale. D’autre part, qui dit réduction des produits d’importation, signifie incitation à la création, sur le territoire algérien, d’industries, de petites et moyennes entreprises, de métiers dans chaque filière. Ce sont autant d’objectifs corrélés dont la mise en place se fera, mais il faut donner du temps au temps.

En attendant, toutes les marchandises s’amoncellent chez vous et sont bloquées ?

Attention, aucune marchandise chez ITPL n’est bloquée pour des questions administratives ou douanières. Les containers partent beaucoup moins vite que ceux qui arrivent, ce qui provoque des accumulations. En réalité, seul le volet financier retarde le transport des marchandises. La loi stipule que chaque importation doit être financée de la manière suivante : 120 % de la facture doivent être financés et l’argent déposé à la banque en Algérie. Une fois que l’argent est déposé (par lettre de crédit ou dépôt documentaire …) un délai d’un mois et un jour est requis avant que le départ de la marchandise ne soit totalement validé. Autrement dit, jusqu’à ce que la validation de l’apport financier ne soit entérinée, rien ne se passe.

Depuis fin octobre, la situation aurait dû commencer à se résoudre ?

Pour certains importateurs, qui disposaient immédiatement des ressources ou qui travaillaient déjà un peu comme cela, la question ne s’est même pas posée. En revanche, pour nombre d’importateurs, dont les commandes étaient très importantes, il a fallu plus de temps pour constituer les fonds nécessaires. Il n’est pas si facile de changer des habitudes de travail, ni d’avancer tout le cash en amont du jour au lendemain. Par ailleurs, des rumeurs d’aménagement de la loi ayant été avancées, d’aucuns d’entre eux ont préféré attendre un peu avant de chambouler leurs méthodes.

Pour vous, ces atermoiements doivent vous poser de sérieux problèmes ?

Pour ITPL, le problème n’est pas réellement financier puisque l’activité n’est que ralentie. En chiffres d’affaires, depuis octobre, on observe un ralentissement de l’ordre de 20 % par mois sur ce trimestre mais les chiffres de l’année restent très positifs. En revanche, au niveau de l’organisation, c’est un vrai casse-tête auquel nos équipes sont confrontées. Les importateurs ayant passé les commandes, les équipementiers livrent les marchandises, puis l’ordre de paiement se faisant attendre, les marchandes s’accumulent. J’en ai partout ! Heureusement, les fournisseurs commencent à comprendre et arrêtent de faire partir les produits tant que le processus n’est pas enclenché en Algérie.

Si la loi se maintient, c’est tout un process qu’il faudra revoir ?

Assurément et cela mettra un peu de temps à se mettre en place même si nous avons anticipé sur la marche à suivre. Face au problème immédiat, nous avons établi un document extrêmement précis de procédure à suivre pour l’envoi des marchandises. En effet, nous en revenons toujours à la date du versement de l’argent qui conditionne tout le reste. Dès que nous l’avons, nous pouvons orchestrer les livraisons et organiser nos flux à l’intérieur de l’entreprise dont le travail, comme vous le savez, ne se limite pas, bien entendu, au transport, mais prend en compte les préparations d’expédition, l’étiquetage selon les normes, les papiers de douane etc. Si tout le monde se met à travailler dans le bon ordre, le temps entre la commande et la livraison ne sera guère différent à ce qui se passe aujourd’hui. Entre le passage de la commande, la préparation de celle-ci par l’équipementier, le transport en provenance d’Allemagne ou d’un autre pays d’Europe, le déchargement, la préparation chez nous, l’étiquetage, l’expédition par containers et l’embarquement, cela peut prendre, selon les cas, plusieurs jours.

Par ailleurs, avec la multiplication des références, le besoin de réaction de plus en plus rapide d’ITPL par rapport aux étiquetages, nous avons constitué une base de données complète – je dis bien complète ! – de tous les produits de nos clients afin que, lorsque la commande est passée, tout soit informatisé et le risque d’erreur évité. Tout le monde gagne en temps et en sécurité. Cela nous a demandé un gros investissement, mais dans une période telle qu’aujourd’hui, cela nous permet de répondre rapidement, tout en maîtrisant la traçabilité et en ne perdant pas de temps à l’étiquetage. Notre base doit friser les 50 000 références !

En clair, la nouvelle loi va imposer un nouveau process à tout le monde ?

Il est impératif que tout le monde ait à l’esprit que rien n’est possible avant la date d’autorisation de la banque. Après, une grande rigueur va être demandée à tout le monde pour qu’il n’y ait pas d’embouteillage au niveau des préparations et des expéditions. C’est pourquoi nous finalisons encore notre document de procédure, de façon à ce que du côté des importateurs comme des fournisseurs, tout le monde soit en phase avec les bons délais. Après tout roulera tout seul…    

Propos recueillis par Hervé Daigueperce

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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