Azeddine Lourari, Gérant de Pièces Auto Lourari, Sarl Maicour

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« Je souhaite vraiment qu’il soit possible pour un jeune aujourd’hui, ou pour quelqu’un qui désire se lancer dans cette aventure, jeune ou pas, adhérent ou non à tel ou tel groupement, d’exercer le métier d’importateur et de distributeur, sans qu’aucune règle « protectionniste » ne vienne l’en empêcher. »

Lorsque vous débutez, vous optez pour du premium, pourquoi ce choix d’un commerce plus difficile ?

Comme je débutais, je voulais me démarquer de ce qui se faisait partout, la recherche des prix bas, le sourcing vers la Chine et la Turquie, etc. et il est vrai que cela a été difficile au début, parce que mes prix étaient forcément plus chers, mais ils étaient aussi synonymes de qualité. J’ai poursuivi dans cette politique et les résultats m’ont donné raison. Aujourd’hui, les algériens sont de plus en plus concernés par la qualité et préfèrent garantir leur sécurité et leur tranquillité en payant un peu plus cher des pièces de qualité supérieure.

Diriez-vous que le marché de la pièce se professionnalise ?

Le marché de la pièce a suivi celui du véhicule neuf. Jusqu’en 2014, le parc s’est considérablement élargi par l’apport de milliers de véhicules neufs aux technologies récentes, et pour lesquels il était essentiel de fournir des pièces de remplacement de qualité premium. Une marque comme Volkswagen, par exemple, a participé à la montée en gamme des pièces et des équipements. Depuis 2014, la situation est plus difficile, puisque les licences d’importation ont été réduites à peau de chagrin.

La raréfaction des véhicules neufs, a-t-elle boosté la vente de pièces de rechange ?

Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons pas assisté à d’augmentation de la vente des pièces sur le marché, qui n’a pas bougé.

Pour revenir à vos choix en termes de produits, après ContiTech, vers quelles marques vous êtes-vous tourné ?

Mon objectif consistant à être un spécialiste de la courroie (Maicour signifie Maison de la courroie), après ContiTech, en 2005, j’ai à nouveau choisi un acteur de la première monte, cette fois-ci avec la courroie d’accessoires, Hutchinson. Puis, j’ai complété la gamme avec SEIM (la branche aftermarket de MGI Coutier), des produits première monte qu’on ne trouvait pas sur le marché algérien, et dont j’ai toujours l’exclusivité.

J’entends dire que l’exclusivité n’est plus aussi essentielle aujourd’hui qu’auparavant. Qu’en pensez-vous ?

L’exclusivité apporte beaucoup à celui qui sait et veut faire les choses bien. Il faut construire la marque, veiller à la stabilité des prix, à la disponibilité des pièces et toujours faire face s’il y a un problème, quel qu’il soit, même de compréhension. Nous sommes exclusifs sur SEIM, Hutchinson, Procodis, Diamax (…) et pour toutes ces marques je m’engage à accompagner mon client et à gagner sa confiance. Les bons résultats résultent de cette attention portée au client.

L’exclusivité exige, cependant, beaucoup d’efforts ?

Comme je le disais, il faut s’investir dans la marque, mais cela produit des fruits petit à petit. Par exemple, pour Hutchinson, nous avons commencé avec de petites commandes, qui se montaient à 100 000 euros en 2005, et qui, maintenant, se traduisent en millions d’euros, (englobant courroies, systèmes anti-vibratoires, supports etc.). Pour en arriver là, il a fallu convaincre les clients à adopter la marque ! Maintenant, évidemment, tout le monde aimerait pouvoir vendre du Hutchinson, mais au départ c’est un travail de longue haleine.

Justement, certains de vos confrères ne veulent plus de l’exclusivité » au motif que lorsque le travail a été bien fait, parfois, l’équipementier se tourne vers d’autres distributeurs pour accroître ses parts
sur le marché ?

J’ai toujours été serein quant au devenir de l’activité autour d’une marque et surtout de mon rôle par rapport à cela. Je sais que je ne pourrais pas profiter tout le temps, seul, de l’exploitation d’une marque. Avant moi, il y avait des revendeurs d’Hutchinson en Algérie, et peut-être que demain, quelqu’un apportera un plus par rapport à moi, et je perdrais l’exclusivité. Pour autant, ce ne sera pas la fin du monde ! Cela ne m’empêche pas de continuer sans cesse à fournir des efforts pour améliorer la commercialisation, la distribution, la notoriété de la marque et satisfaire ainsi les attentes du fournisseur, mais ce n’est vraiment pas la crainte qui m’inspire, plutôt le désir de faire bien, mieux pour mes clients.

Est-ce que la diversification, le fait d’étoffer le portefeuille de marques apporte aussi la sécurité de la société ?

Dans notre activité, il est nécessaire d’apporter de la nouveauté à nos clients, en termes de marques et aussi de produits, de solutions. C’est la raison pour laquelle, j’ai diversifié progressivement mon activité. Après Procodis, J’ai entré Diamax en freinage, puis ai pris la marque Wix, en filtration. Elle végétait en Algérie, et depuis qu’elle est chez nous, elle se développe très bien sur ce marché. Dans son prolongement, nous avons aussi lancé Diamax en filtration, puis SuperMax (marque coréenne) en freinage et amortisseurs. Cependant, courir après la nouveauté ne constitue pas une finalité, il faut en apporter, certes, et aussi consolider ce qui existe pour réussir à satisfaire pleinement la clientèle. En effet, développer une marque exige beaucoup de travail, d’énergie, et aussi de trésorerie, de marketing, de formation des personnels, de logistique, etc.

Quels sont les principaux critères nécessaires à un « bon » fournisseur selon vous ?

La qualité reste le premier critère de choix d’un fournisseur, suivi de très près par la sincérité et la transparence sur l’origine des pièces. Nombre de fabricants laissent entendre qu’ils produisent 80 % de la gamme qu’ils commercialisent, alors qu’ils ne sont à l’origine que de 20 %. Tous les fabricants doivent compléter leurs gammes, mais ils ne peuvent réellement se dire fabricants que lorsqu’ils produisent les 3 / 4 de la gamme et qu’ils s’approvisionnent pour le reste. Le troisième point, essentiel à mes yeux, consiste dans la responsabilité vis-à-vis du client. J’attends de l’équipementier qu’il fasse face, qu’il traite le problème éventuel en prenant en considération mon client. Je ne supporte pas qu’on puisse me dédommager en pensant que cela suffit, ou que je garde une commission sur une vente qui n’a pas satisfait mon client.

Vous évoquiez la nécessité d’apporter de la nouveauté, privilégiez-vous un rythme particulier dans les lancements, ou les opportunités qui se présentent ?

Deux raisons majeures président au lancement d’une nouvelle marque ou d’une nouvelle famille, ce que demande le marché, d’une part, et de l’autre, ce que l’entreprise peut absorber. Sortir des produits nouveaux tout en n’ayant pas la capacité – en temps, en personnels, en financement …- de le faire bien n’est pas envisageable pour moi, ni générateur de profits pour mes clients.

En parlant du marché de la pièce, comment se porte-t-il aujourd’hui ?

Le marché de la pièce s’avère très demandeur, à tel point que l’on peut se demander comment on peut consommer autant de pièces en Algérie ! Plusieurs raisons peuvent l’expliquer à commencer par l’état des routes qui exige beaucoup des véhicules, on peut invoquer aussi la mauvaise qualité de certaines pièces que des importateurs font venir et qui ont une durée de vie très limitée, de même que la qualité des véhicules commercialisés sur le marché algérien. Puis, il y a le manque de formation de beaucoup de réparateurs qui compensent le manque de savoir-faire en remplaçant trois pièces avant de trouver la bonne. Par ailleurs, l’algérien aime la voiture, roule beaucoup et investit dans sa voiture. Il faut ajouter que les transports en commun – le transport en règle générale – ne sont pas suffisamment développés et que pour tout déplacement, il faut prendre la voiture, chose plus aisée ici, parce que le carburant n’est pas cher. Tout cela concourt à des remplacements de pièces nombreux et explique la demande du marché.

Est-ce que les nouvelles données de l’importation des véhicules rendent les maisons plus concurrentielles en termes de pièces ?

Les concessionnaires sont très loin du marché et j’ajouterais que les constructeurs manquent de respect vis-à-vis du client automobiliste algérien. Les réseaux des constructeurs manquent de respect par la qualité des véhicules qu’ils importent, par le prix élevé des pièces qu’ils vendent en Algérie, et par l’absence de prise en compte des problèmes des clients. Beaucoup de voitures roulent avec des défauts que personne chez le constructeur ne peut ou ne veut réparer. Pourtant ces voitures sont arrivées comme cela dans le pays. Ce n’est pas acceptable.

Les importateurs de pièces sont toujours les maîtres du jeu ?

Ce sont les importateurs qui assurent le service au client, ce sont eux qui lui apportent des pièces d’origine ou de qualité d’origine des équipementiers première monte, ce sont eux également qui font des prix aux clients beaucoup moins chers que ceux des maisons, de 40 à 70 % parfois moins chers. Nous sommes compétitifs sur le marché et c’est le client qui en profite.

Que pensez-vous de la contrefaçon ou encore de la malfaçon ?

Des deux maux, de la contrefaçon et de la mauvaise qualité, c’est surtout le second qui nous pose problème. En effet, l’Etat a bien fermé les vannes de la contrefaçon et son intervention a mis fin au trafic des premières années. Cependant, aujourd’hui, beaucoup de pièces non contrefaites mais de mauvaise qualité arrivent de Chine, notamment, et posent beaucoup de problèmes. Au final, les clients nous reviennent pour obtenir la qualité, mais on doit lutter contre ces pièces qui sont dangereuses pour les automobilistes.

Quels sont les atouts majeurs de la société Maicour ?

En premier lieu, en plus de la qualité, Maicour propose une très large disponibilité des pièces et sa présence sur les 5 grandes régions de l’Algérie, Sétif, Ain M’Lila, Alger, Oran et même un magasin à Ouargla. Sur ces 5 points, les prix sont identiques, les services également, puisque la politique de prise en charge du client est la même, ainsi que la disponibilité des pièces. Même si c’est le réparateur qui est à l’origine du retour de la pièce pour un mauvais montage, par exemple, on prend en charge et on lui explique comment faire pour que cela ne se reproduise pas.

Comment est organisé votre réseau de distribution ?

Notre distribution s’appuie sur un réseau de grossistes revendeurs essentiellement et de quelques détaillants. Ils sont gérés, au niveau régional, par l’antenne que l’on a créée, sauf Ain M’Lila qui est géré directement par le siège à Sétif. A Alger, par exemple, toutes les décisions sont prises par le manager.

Disposer d’antennes en propre exige des chefs d’agence expérimentés, cela n’est-il pas difficile à trouver ?

J’ai eu beaucoup de chance, sans doute et aussi quelques principes. Quand on donne une autonomie à quelqu’un en le laissant faire son travail de commercial, de manager, de conseiller auprès de la clientèle et que nous nous engageons à lui mettre à disposition tout ce dont il a besoin en disponibilité de pièces et services, cette personne à qui l’on a accordé notre confiance prend son métier à cœur et s’engage vraiment dans son travail. On le paie bien et on le laisse faire, je pense que c’est la meilleure attitude à avoir.

Quelles sont les qualités principales que vous recherchez chez un manager ?

Le sérieux et la sincérité sont les qualités que je privilégie chez un responsable.

Plusieurs de vos collègues ont choisi d’adhérer à de grands groupements internationaux, y avez-vous songé ?

A part pour pousser un fabricant à nous vendre des produits, je ne vois pas quel serait mon intérêt, aujourd’hui, de rejoindre un groupement international. Je ne veux pas travailler avec quelqu’un qui ne le souhaite pas, et encore moins à le forcer pour des questions légales, ou politiques, par exemple. Par ailleurs, nous recherchons des marques première monte qui ne sont pas connues sur le territoire algérien, c’est donc à nous d’aller les chercher et de récolter les fruits de notre travail. Il ne s’agit pas, pour nous, de vendre des produits d’une marque déjà présente et proposée, en même temps, par plusieurs distributeurs sur le marché, ou encore de venir en 2e ou 3e position pour profiter des efforts des premiers. Hutchinson, Procodis, ContiTech, SEIM, Wix étaient absents ou pratiquement pas représentés sur le territoire, quand j’ai commercialisé leurs produits. C’est moi qui ai fait le travail, et en ai récolté les fruits, de même que j’en ai assumé les responsabilités. C’est ainsi que j’exerce mon métier.

A Oran, s’est créée une association de défense et promotion, des intérêts des « Opérateurs Économiques » auprès des institutionnels à commencer par les importateurs de pièces automobiles, qu’en pensez-vous ?

Je pourrais adhérer à une telle association qui fait la promotion de la pièce de qualité et se présente comme un interlocuteur de poids auprès du gouvernement à une condition, c’est que l’association soit ouverte. Il ne faut pas qu’on pense qu’on sera toujours les mêmes et les seuls à exercer notre métier et par conséquent, il s’avère capital qu’on ne ferme pas les portes : une association qui regroupe les importateurs, les opérateurs doivent pouvoir accueillir de nouveaux entrants et ne pas générer les conditions d’une forme de protectionnisme. Lorsque je suis arrivé sur le marché, je n’avais rien, n’étais pas connu et ai pu exercer mon activité. Je souhaite vraiment que ceci reste toujours possible pour un jeune aujourd’hui, ou pour quelqu’un qui désire se lancer dans cette aventure, jeune ou pas, adhérent ou non à tel ou tel groupement. Lorsque j’entends parler d’un cahier des charges, je crains que cela soit plus un signal de fermeture que d’ouverture. Des rumeurs ont fait état de professionnels qui voudraient s’adjuger le marché … Je suis méfiant vis-à-vis de ces tentatives d’exclusion de certains par d’autres sur notre marché.

On évoque le cahier des charges, on pourrait aussi parler de l’incitation du gouvernement à créer des usines de fabrication, avez-vous songé à devenir fabricant ?

Cela fait des années que je pense à ouvrir une unité de production et je suis allé très loin dans le projet. J’ai dû attendre 5 ans avant d’obtenir un terrain et encore, celui-ci est nu, il n’est ni viabilisé ni terrassé, ce qui va générer des investissements importants. J’ai un partenaire turc qui est d’accord pour me suivre, même dans le cadre obligatoire de la majorité des actions tenue par l’associé algérien (les 51/49). Aujourd’hui, je peux obtenir l’accord pour lancer les travaux et envisager un site de fabrication de pièces en caoutchouc-métal, mais je sais que cela coûtera un ou deux millions d’euros alors qu’en revanche, je n’ai aucune visibilité sur telle ou telle décision d’un agent de l’État, qui pourrait mettre en péril toute l’affaire. Entre ce qui est annoncé dans les médias et la réalité sur le terrain, il existe de grosses différences. Nous avons besoin, mon partenaire et moi, d’une assurance que nous investissons dans le bon sens et que nous pourrons exercer notre nouvelle activité dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, nous n’avons aucune garantie en ce sens. Par ailleurs, en Algérie, nous n’avons pas de tissu industriel et beaucoup de choses manquent pour attirer des partenaires équipementiers.

Pour beaucoup de vos confrères, l’avenir de l’entreprise et sa poursuite dans les mains des enfants compte beaucoup, est-ce le cas pour vous ?

J’ai trois enfants, deux filles et un garçon, mais ils sont encore trop jeunes pour qu’on envisage quoi que ce soit. Je partage la gérance de l’entreprise avec mon frère, qui dirige aussi l’entité d’Alger et nous avons un autre frère qui termine ses études et qui pourrait prendre la direction de notre usine dès que celle-ci verra le jour. Il est prêt et est partant à 100 %, se forme pour cela, a voyagé en Turquie pour apprendre… Il a vraiment envie. Bien sûr, je serais à ses côtés avec Maicour. Notre entreprise se porte bien avec une progression à deux chiffres chaque année, 45 personnes et 5 sites. Notre expérience pourra lui servir.

Nous nous voyons, ici, sur Equip Auto, pourquoi visitez-vous ce salon ?

Equip Auto constitue une opportunité pour rencontrer des professionnels de beaucoup de pays, d’Asie et d’Europe, d’échanger avec eux. Cela nous permet aussi de voir nos fournisseurs ou d’en découvrir de nouveaux. Et cette année, cela nous a fait plaisir de venir à la Porte de Versailles, au cœur de Paris, c’est beaucoup plus agréable !   

Propos recueillis par Hervé Daigueperce

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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