Aissam Attia, directeur général de Fabcom

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« Pour nous, fabriquer pour la première monte ne relève pas d’une ambition, c’est un objectif à court terme. » 

Lorsque vous arrivez dans le groupe, quelles ont été vos premières actions ? 

Lorsque j’ai pris la direction de l’entreprise, mon principal objectif a consisté à ouvrir davantage l’entreprise vers l’extérieur, en lui donnant une plus grande assise, tant sur le plan national que sur le plan international. D’un côté, j’ai multiplié l’ouverture de magasins en propre pour arriver à une douzaine en Algérie, afin d’offrir un maillage plus important du territoire. De l’autre côté, j’ai développé les relations avec les grands fournisseurs internationaux, et recherché des exclusivités sur certains produits. Plus de produits, puis de magasins et un rapport de partenariat avec les équipementiers ont constitué mes premiers pas dans l’entreprise familiale.

Est-ce que vous avez opté pour une diversification des produits ou préféré devenir un spécialiste de certaines familles ?

Initialement, le groupe s’était fait connaître par l’importation de roulements et de pneumatiques. Il m’a semblé important d’ajouter de nouveaux types de pièces pour élargir notre offre aux professionnels. Et aujourd’hui, le groupe s’articule autour de plusieurs filiales qui sont spécialisées soit sur le pneumatique, sur les pièces pour véhicules asiatiques, ou véhicules français… Et de 5 ou 6 personnes au commerce, nous sommes passés à 60 ! Quant à Fabcom, la société emploie 173 personnes.

La batterie constituait-elle le plus gros du chiffre d’affaires avant que vous ne vous lanciez dans la fabrication ?

La famille de pièces la plus importante a toujours été constituée par les pneumatiques puis par les roulements. La batterie ne représentait que 20 % du chiffre d’affaires.

Quels étaient vos critères de sélection en termes de fournisseurs ?

Nous avons toujours privilégié la qualité avant tout. En pneumatiques, nous commercialisons Hankook pour lequel nous sommes représentants exclusifs, en roulements, Koyo, NACHI et NSK, en fait que des grandes marques réputées.

Pourquoi avoir choisi de vous diversifier dans la fabrication, d’une part, et d’autre part, dans la batterie, alors qu’il y avait certainement des pistes
de développement plus simples ?

Il s’agit, en réalité, d’une suite logique de notre activité. Nous avons fortement développé la batterie d’importation pendant toutes ces années, créé un réseau structuré et important. C’est un produit qui nous était familier et pour lequel nous avions déjà des débouchés potentiels naturels. Il est vrai que fabriquer des batteries et surtout des batteries nouvelle génération constituait un véritable pari mais aussi une formidable opportunité pour nous qui avions l’expérience du secteur. Par ailleurs, la demande des clients d’avoir une batterie Made in Algeria était plus que sensible.

Si l’on considère la composition du chiffre d’affaires, vous auriez pu également vous destiner à la production de pneumatiques ou des roulements ?

Le pneu comme le roulement sont des produits très difficiles, mais je reconnais que nous avons étudié toutes les possibilités. Après plusieurs études de marché, nous nous sommes rendu compte qu’il n’y avait pas de très grand fabricant de batteries en Algérie et qu’il y avait une place à prendre. Par ailleurs, nous avons consulté des fabricants de batteries qui nous ont conseillés et qui nous ont confortés dans notre choix en nous prouvant la faisabilité de notre projet et en nous donnant les bonnes adresses, également, pour le choix des équipements, des fournisseurs sérieux pour cette activité.

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Quel schéma, quel projet d’entreprise avez-vous adopté, un partenariat, une co-entreprise, un transfert de technologie, ou tout faire par vous-même ?

C’est un projet qui nous tenait à cœur et que nous comptions effectuer nous-mêmes. Nous associer avec un partenaire n’entre pas dans la politique d’entreprise familiale que nous défendons. C’est pourquoi, nous avons décidé de créer l’usine sans contrat de partenariat technologique, sans associé, sans accords d’aucune sorte avec d’autres équipementiers. Et nous avons suivi cette voie, alors même que nous nous lancions dans la production complète de batteries et non dans une usine de montage. Cela ne nous intéressait pas d’être simplement un assembleur. En revanche, nous avons travaillé très étroitement avec notre fabricant d’équipements, l’un des meilleurs, sinon le meilleur sur le marché, auquel nous avons confié toutes nos commandes d’équipements. Parallèlement, nous avons misé sur les ressources humaines tant en recrutement d’ingénieurs diplômés qu’en formations qualifiantes en Europe.

N’était-il pas plus simple de racheter une usine existante et de la transformer de façon à ce qu’elle accueille les dernières technologies ?

Cela n’a jamais été dans nos projets et même si nous l’avions voulu, il aurait été très difficile de modifier un site industriel pour l’adapter aux technologies actuelles. Il était beaucoup plus cohérent de partir d’une feuille blanche et de prévoir non seulement la production des batteries dernière génération et aussi celle d’après ainsi que tout son environnement. Les fondations, même en termes de bâtiments, devaient reposer sur du solide et elles reposent sur du solide !

Devenir fabricant exige beaucoup de courage, n’avez-vous jamais ressenti d’inquiétude, de doutes ?

Pendant toute la durée de l’installation des équipements, des tests, des recrutements, nous étions plutôt sereins. En revanche, il existe toujours des balbutiements au début de la production, des mises au point, et là il m’est arrivé de me poser des questions ! Mais après quelque temps – qui est toujours trop, long pour l’investisseur que je suis ! j’étais totalement rassuré. J’avais les bons équipements et les bons ingénieurs, cela ne pouvait que bien fonctionner ! Et puis, nous n’avions pas choisi le produit le plus simple, les techniciens disent « qu’il y a de la vie dans une batterie, qu’il y a des réactions chimiques tout au long de la vie de la batterie » et pendant la production, nous devons en permanence procéder à des analyses, des tests, c’est vraiment compliqué.

Quel accueil vous ont réservé vos clients en vous voyant devenir fabricant ?

Notre réseau de distributeurs a très bien accueilli notre nouveau rôle, d’abord parce que nous avons, avec le temps, établi une relation de confiance, ensuite parce qu’ils travaillaient avec nous pour la qualité des produits que nous commercialisons, ce sont des spécialistes de la batterie, ne l’oublions pas. Ils ont donc parié tout de suite sur la qualité de nos batteries. Cela s’est fait très simplement. Et cela nous a ouvert la porte vers d’autres clients.

Comment vous placez-vous vis-à-vis des concurrents fabricants de batterie ?

Le fait que nous ayons opté pour la fabrication de batteries calcium, par exemple, pour des produits à la technologie plus évoluée, nous a forcément positionnés un cran au-dessus des autres fabricants nationaux. D’autant que nous avons la gamme la plus large du marché, avec 35 références. Nous produisons pour le VL, le VI, la marine, les engins etc. Et nous avons toujours des projets d’extension dans le domaine de la batterie ! Nos concurrents, aujourd’hui, sont les produits d’importation.

Vous évoquez les produits d’importation, comment voyez-vous la répartition, aujourd’hui, des batteries nationales et d’importation, quelles seraient vos parts de marché ?

Nous ne disposons pas de chiffres précis sur l’ensemble des acteurs. Il existe une douzaine de fabricants nationaux (qui produisent ou font du montage), et de nombreux produits d’importation. Cependant, le marché est encore ouvert. Ce que l’on peut dire, c’est que nous pensons être les premiers sur le marché et dépasser même les importateurs, le plus important d’entre eux. Nous ne nous battons pas contre les fabricants locaux mais face aux importateurs et pour cela, nous mettons tout en œuvre pour leur opposer des batteries à tous les niveaux. Nous serons bientôt prêts sur les batteries Stop and Start, nous sommes en train de développer les batteries pour motos… et nous allons nous placer sur toutes les technologies existantes et à venir.

Vous positionner en « leader » et vous placer sur toutes les technologies, n’est-ce pas trop présomptueux pour un seul groupe ?

Lorsque nous nous sommes lancés, nous avons toujours pensé aux développements que nous donnerions à l’existant. Nous sommes conscients de l’évolution des technologies, regardons ce qui se fait dans les véhicules hybrides, électriques etc. Nous sommes déterminés à accompagner ces évolutions, même si nous sommes conscients que nous devons investir tant en équipements qu’en savoir-faire et donc en ressources humaines. Nous sommes très jeunes et ambitieux !
Souvent, l’on nous rapporte que nous sommes « portés » par des italiens ou des espagnols, alors que je ne m’appuie que sur mon équipe d’ingénieurs algériens qui sont jeunes, compétents, bien formés et très dynamiques ! Nous sommes également très attentifs à maintenir un degré de formation continue leur permettant de toujours se placer parmi les meilleurs.

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Comment qualifieriez-vous votre management ?

Comme je l’évoquais, ma priorité se définit par l’amélioration permanente des compétences et savoir-faire des ingénieurs et de tous ceux qui participent à la croissance de l’entreprise. C’est ainsi, que j’essaie toujours d’être à leur écoute, de prendre en compte leurs idées et les développer. Je suis prompt à recevoir tout le monde, à résoudre tout de suite les problèmes quand il y en a ou encore à pousser les uns et les autres à prendre la parole.

Avec votre croissance, la montée en puissance des importateurs, le marché algérien ne va-t-il pas, un jour, vous apparaître trop petit ?

En comptant tous les fabricants et les importateurs, le marché de l’Algérie, pourtant très grand, arrivera prochainement à saturation. Nous le savons et avons placé l’export comme une priorité. C’est pourquoi, nous nous sommes engagés dans la certification, tant en management de la qualité (ISO 9001) qu’environnemental (14001), ce qui induit des produits normés et donc de qualité, pour tous nos interlocuteurs, quels que soient les pays. Nous allons nous tourner principalement vers l’Afrique, en premier lieu, et ce dès la fin de l’année, parce que nous sommes déjà sollicités en ce sens, en Lybie, au Sénégal, au Nigéria, en Angola etc.

Envisagez-vous de fabriquer d’autres produits que la batterie, maintenant que vous maîtrisez les process de fabrication ?

Avant d’envisager de nouveaux produits, nous travaillons, en parallèle, sur les extensions de production des batteries et sur notre usine de recyclage des batteries.

Quelles sont vos ambitions en termes de recyclage ?

Nos capacités de recyclage s’évaluent à 140 000 tonnes, l’usine est presque opérationnelle puisque nous allons démarrer en septembre. Au départ, nous allons travailler avec nos propres clients afin de récupérer leurs batteries, avec des collecteurs auprès des spécialistes et nous étendrons notre offre aux autres fabricants. Il s’agit d’une autre activité importante pour tout le monde.

A quelle date, voyez-vous la rentabilité d’un tel investissement ?

Il n’y a pas de secret, pour un tel investissement, il faut environ 4 à 5 ans pour rentabiliser les équipements. Au départ, nous comptons réutiliser le plomb pour nos propres batteries, puis, au fur et à mesure nous vendrons de la matière. Il faut un peu de temps pour que tout se mette en place. Avant la rentabilité, nous voyons l’impact environnemental, c’est un enjeu vital, puis économique puisque nous réutiliserons tout le plomb dans la production. Il faut savoir qu’une batterie est composée à 80 % de plomb.

Lors d’Equip Auto Alger, vous avez lancé votre deuxième marque Forza, après Arco, envisagez-vous de fournir des batteries sous d’autres marques encore, des MDD ?

Nous ne comptons pas commercialiser nos batteries sous d’autres marques que Forza ou Arco. L’accueil que nous avons eu pour Forza, sur Equip Auto ou après, nous conforte dans ce choix. Les deux marques fonctionnent bien et se complètent. Entre les batteries sans entretien et bientôt les batteries Hybrides, les deux marques auront une croissance forte et une image de qualité et de technologie sur laquelle nous voulons capitaliser.

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Comment voyez-vous l’évolution du marché de la pièce de rechange, de la batterie, en Algérie ?

Pour commencer, le marché algérien ne cesse de croître avec un parc circulant de plus en plus important, ce qui fait naturellement croître le marché du remplacement. Par ailleurs, la venue de constructeurs automobiles appelle, pour certains produits, des demandes de sous-traitance. C’est le cas de la batterie, comme le prouvent les consultations en première monte que nous observons de chez Hyundai, Kia, Volkswagen… Nous sommes retenus comme fournisseurs de Hyundai, en première monte, et sommes référencés chez des fabricants de tracteurs agricoles. Par ailleurs, nous avons été invités à Oran, par Renault, lors des grandes rencontres organisées pour la sous-traitance. Nous verrons quelle suite cela prendra. Et sur Equip Auto, nous avons été sollicités par beaucoup d’internationaux. Pour nous, fabriquer pour la première monte ne relève pas d’une ambition, c’est un objectif à court terme. Et de grands fournisseurs plaident en notre faveur pour que nous livrions Renault. Le marché local s’avère bien sûr une priorité.

Bien couvrir votre marché suppose une forte logistique, comment êtes-vous organisé ?

Nous avons mis en place notre propre flotte de camions que nous continuons d’accroître. Nous livrons nous-mêmes nos gros clients et entendons aller plus loin. Cela assurera aussi le retour des batteries.

Où en êtes-vous en termes de capacité de production ?

Nous en sommes à 70 %, aussi parce que nous amplifions notre parc industriel. Par ailleurs, nous avons toujours une partie de notre personnel en formation continue. Nous souffrons également de l’approvisionnement en plomb. Ce qui ne nous empêche de sortir 500 000 batteries en 2017 et d’envisager le million en 2018. Ce sont des chiffres officiels et déclarés, que nous pouvons publier sans problème. Il y a beaucoup de chiffres qui circulent en Algérie, sans toujours représenter la réalité, c’est pourquoi, il nous apparaît important de préciser que notre production est contrôlée, déclarée, et nos chiffres, du coup, certifiés.

Exposerez-vous sur Equip Auto Paris ?

Nous allons exposer dans le cadre du Pavillon Algérien et nous serons très heureux de recevoir tous les visiteurs d’Algérie, de France et du monde entier.

Comment voyez-vous Fabcom dans 10 ans ?

Nous nous voyons bien premier opérateur de la batterie en Algérie. Avec des sites de production dans différents pays. Nous avons déjà pris des options sur des terrains…

  Propos recueillis par Hervé Daigueperce

Hervé Daigueperce
Hervé Daiguepercehttps://www.algerie-rechange.com
Rédacteur en chef d'Algérie Rechange, de Rechange Maroc, de Tunisie Rechange et de Rechange Maghreb.

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